Géoéconomie

La banque de l’ombre

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Dans la crise des subprimes de 2007, la banque de l’ombre ou shadow banking – système bancaire parallèle – a joué un rôle central en rachetant les crédits subprimes à leurs émetteurs. Historiquement elle s’est développée à partir des années 1990 aux États-Unis et a pleinement profité de la dérégulation financière alors à l’œuvre. La banque de l’ombre représente aujourd’hui un important facteur d’instabilité pour le système financier mondial, comment fonctionne-t-elle ?

Les banques traditionnelles travaillent à transformer l’épargne placée à court terme en des prêts de long terme aux entreprises ou aux ménages (voir schéma). Cependant au cours des années 2000, les grandes banques d’investissement américaines : Goldman Sachs, Bear Stearns, Lehman Brothers se sont lancées dans la titrisation. Elles ont créé des produits financiers les CDO qui regroupent à la fois des actifs risqués (crédits immobiliers subprimes notamment) et non-risqués. La dilution du risque a permis une bonne notation de ces produits par les agences de notation et se sont par conséquent bien vendus. Les fonds spéculatifs (hedge funds), les banques d’investissement et les véhicules spéciaux d’investissement (VSI, cf. Jeffers Plihon) qui constituent les grands acteurs de la banque de l’ombre ont été les principaux acheteurs des CDO. Ces entités sont en dehors du système financier traditionnel, et n’obéissent donc pas aux règles prudentielles (ratio de fonds propres minimal etc.). Elles ne peuvent ni collecter directement l’épargne des ménages ni se refinancer auprès des banques centrales, et émettent donc des titres de créances achetés par des fonds rassemblant des épargnants (fonds communs de placement). Un système financier parallèle a donc émergé avec la titrisation – la banque de l’ombre – fondé sur un nouveau modèle d’intermédiation financière.

Ce système pose de graves problèmes. En effet, les banques de l’ombre achètent les titres de gré à gré – directement auprès de l’émetteur sans passer par un marché régulé et supervisé par un régulateur étatique. L’expression « banque de l’ombre » n’a donc pas été choisie par hasard puisque ce système financier est particulièrement opaque. De plus, la banque de l’ombre est adepte de l’effet de levier – achat d’un actif par la dette – ce qui démultiplie les chances de gain mais aussi les pertes potentielles. Enfin, les banques ayant titrisé leurs actifs puis revendus aux banques de l’ombre, se débarrassent ainsi du risque de défaut de paiement et sont donc incitées à octroyer des crédits à des emprunteurs même s’ils ne sont pas solvables. Tout concorde pour dire que la banque de l’ombre fait peser un grave risque au système financier mondial, et ce d’autant plus que sa taille est gigantesque (voir graphique). La banque de l’ombre a donc favorisé le développement des crédits subprimes à l’origine de la crise financière de 2007.

La banque de l’ombre n’est pas l’apanage des Occidentaux et se développe aujourd’hui beaucoup en Chine. En effet, les grandes banques chinoises prêtent essentiellement aux collectivités et aux entreprises d’État. Les entreprises privées sont donc souvent contraintes de se financer auprès des banques de l’ombre. La rareté du crédit induit des taux élevés, autour de 10%. Ce coût du financement est un vrai handicap pour la croissance chinoise. Il paraît d’autant plus étrange que le pays regorge de liquidités grâce à ses excédents commerciaux. Néanmoins, la totalité de l’encours de crédit issu de la banque de l’ombre est immense et avoisinerait les 20% du PIB chinois (cf. le blog Démystifier la finance). La taille de la finance de l’ombre rend le système financier chinois particulièrement instable. La China Credit Trust a d’ailleurs récemment fait faillite (cf. le Huffington Post). Après la crise des subprimes de 2007, la banque de l’ombre fait donc planer une nouvelle menace de crise.

Pour aller plus loin : le shadow banking system et la crise financière, article de Esther Jeffers et Dominique Plihon et the roots of shadow banking article de Enrico Perotti

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