La crise de Suez (1956-1957)
Pour comprendre les événements qui eurent lieu en 1956, il faut remonter quelques décennies en arrière. Sur la proposition du diplomate français F. De Lesseps, l’Egypte autorise la construction d’un canal séparant l’Afrique de l’Asie, achevé en 1869. Le Royaume-Uni, initialement pas intéressé par cette construction, a fait cependant de sa sécurité un intérêt vital, notamment durant les deux guerres mondiales, pour des raisons commerciales évidentes. Ainsi, même si l’Egypte fut officiellement indépendante en 1936, les Britanniques restèrent en place autour du canal jusqu’en 1956.
Dès 1952, des troubles contre la présence britannique éclatent, et les Britanniques menacent d’envahir Le Caire. Le climat de tension généra en Juillet le renversement du roi Farouk. En 1954, Nasser devient le dirigeant du pays. Son idéologie modernisatrice avait pour but de mettre fin à la présence britannique, de créer une armée capable de mener une guerre contre Israël et de construire le barrage d’Assouan sur le Nil pour stimuler l’économie. Un accord est ainsi signé avec les Britanniques pour que leurs troupes libèrent le pays en Juin 1956. Néanmoins, Nasser commence à se rapprocher des Soviétiques, notamment par l’achat d’armes. Cela irrite la coalition anglo-américaine, qui avait promis à Nasser de financer une partie du grand barrage. Ce qu’elle ne fit pas. Nasser n’eût d’autre choix que de nationaliser le canal et força le Royaume-Uni à intervenir.
Mais il ne fut pas seul. Israël est inquiet de l’achat d’armes soviétiques par son voisin, surtout depuis la recrudescence des escarmouches à la frontière israélo-égyptienne. En octobre 1956, Israël est convié par le Royaume-Uni et la France (grande pourvoyeuse d’armes de l’état hébreu) à une rencontre à Sèvres. Les Européens persuadent Israël d’intervenir en Egypte et lui garantissent leur soutien. C’est ainsi que Britanniques, Israéliens et Français (inquiets de l’influence de Nasser sur les indépendantistes algériens) interviennent militairement. Grâce à des moyens aériens et terrestres plus nombreux et efficaces, l’intervention ne dura que quelques jours et se conclut par un cessez-le-feu le 6 novembre, même si l’alliance n’a pas la maîtrise de tout le canal.
Cette intervention jeta un froid sur les deux grandes puissances de l’époque. Même s’ils ont refusé de financier le projet d’Assouan, les Etats-Unis n’ont jamais été partisans d’une intervention. Quant aux Soviétiques, ils menacèrent directement les trois pays impliqués, tout en armant et finançant le régime de Nasser. Sous de multiples pressions, le premier ministre britannique Eden, très favorable à l’intervention, démissionna et poussa le Royaume-Uni au retrait. Côté français, le pouvoir de Guy Mollet, alors premier ministre, était fortement affaibli par le conflit en Algérie et son armée dut également rentrer au pays. Le conflit cessa en mars 1957.
Pour nos générations, Suez a été le symbole qu’il n’y avait en réalité que deux superpuissances durant ce début de Guerre Froide, et que tous les autres pays, fussent-ils alliés de l’un ou de l’autre, n’étaient que des faire-valoir. D’autant plus dans une région à l’importance stratégique cruciale pour les deux Grands, région qui connut d’autres nombreux accès d’intimidations voire de violences durant le reste de la Guerre Froide.