Le monde avant 1914

Les tensions commerciales du début du XXe siècle

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Bien avant le « Made In Taiwan », le « Made In Japan » ou plus récemment le « Made In China », c’est bien le « Made In Germany » qui faisait peur au début du XXe siècle

Le début du XXe siècle est marqué par un bouleversement de la hiérarchie des puissances commerciales. Quatrième en 1880 (loin derrière le Royaume Uni et ses 25% du commerce mondial), l’Allemagne est en deuxième place en 1913 avec 13% des échanges (contre seulement 15% pour l’Angleterre). Cet immense succès peut être expliqué par trois facteurs principaux.

Premièrement, l’Allemagne a été la première à développer des techniques commerciales modernes qui se révèlent être très efficaces : études de marché, catalogues de vente en langue vernaculaire, service après vente, réseaux de commis voyageurs appuyés sur la diaspora.

Le deuxième facteur de réussite tient à l’organisation des grandes sociétés exportatrices allemandes. Organisés en cartel et sous couvert des barrières douanières, elles réalisent d’énormes profits sur le sol allemand ce qui leur permet de vendre en utilisant le dumping à l’exportation. Ces entreprises sont également soutenus à l’étranger par un puissant réseau bancaire, la « pieuvre germanique », emblématisée par les « Quatre D » : Deutsch, Dresdner, Diskonto et Darmstadter, les quatre plus grandes banques allemandes.

Enfin, l’explication majeure du succès commercial germanique réside dans la supériorité technique des firmes allemandes, notamment sur les secteurs issus de la deuxième révolution industrielle (matériel électrique, industrie chimique et pharmaceutique).

A l’inverse de l’Allemagne, le commerce britannique est sur la même période en net déclin. Les exportations chutent : la demande est en berne du fait de la Grande Dépression, la concurrence allemande se fait de plus en plus rude, le protectionnisme se développe et les produits britanniques sont de plus en plus chers du fait de l’obsolescence de l’appareil de production. Parallèlement, les importations montent en flèche, du fait de l’important pouvoir d’achat britannique et du maintien du libre-échange par l’Angleterre.

D’un point de vue plus général, dans un contexte d’échanges croissants et de concurrence exacerbée, les protestations contre « l’invasion » de produits étrangers et les tentations de repli se généralisent. Ainsi, les paysans français ou allemands déplorent la concurrence des pays « neufs » d’Amérique du Sud. Aux Etats-Unis, les milieux industriels plaident pour la protection contre les produits européens. Au Japon ou en Chine même, c’est bien la politique de « porte ouverte » imposée par l’Occident qui a déclenché un réveil nationaliste. Le retour au protectionnisme douanier est ainsi quasi général (tarif Méline en France, « protectionnisme éducateur » en Allemagne), à l’exception notable de la Grande Bretagne, dont l’électorat rejette en 1906 les thèses protectionnistes de Chamberlain.

Les tensions commerciales du début du XXe siècle ont alimenté les tensions diplomatiques entre les grandes puissances. En effet, l’Allemagne de 1913 est une Allemagne qui fait peur : sa puissance commerciale, économique et industrielle va croissante et ses méthodes sont agressives. Comme pour la Chine de nos jours, les contemporains ont eu le sentiment de vivre une inéluctable invasion des produits allemands, en atteste l’œuvre du britannique Williams, Made In Germany (1896).

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