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Les ONG : quelle réalité ?

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Le début d’année 2014 a été l’occasion pour l’organe humanitaire de l’Union Européenne – ECHO – de faire le bilan de l’année écoulée. Compte tenu de l’actuel contexte financier et face à la multiplication des territoires concernés (Syrie, Centrafrique, Mali, Philippines…), d’inévitables tensions budgétaires voient le jour et obligent l’office à redéfinir les niveaux d’urgences respectifs de chacune des situations, dans le but de développer une gestion plus rigoureuse de son budget annuel (un milliard d’euros). Une réalité qui inquiète les ONG et vient rappeler leur forte dépendance vis-à-vis des États. L’occasion de revenir sur ces organismes et les enjeux qu’ils soulèvent.

Avec un budget annuel global dépassant les 8 milliards de dollars, les Organisations Non Gouvernementales (ONG) forment aujourd’hui sur la scène internationale un ensemble d’acteurs incontournable. Associations non lucratives, elles se sont multipliées dans les années 80 et 90, occupant l’espace laissé par la fin progressive de la bipolarisation du monde. Définies par des actions de nature internationale, elles interviennent dans de nombreux domaines (urgence, alimentation, environnement, droits de l’homme…) et de manière de plus en plus durable. Initialement inscrites dans une démarche essentiellement réactive face à des événement ponctuels (catastrophe naturelle, guerre civile…), l’augmentation de leurs moyens et leur légitimité croissante les ont peu à peu conduit à adopter une démarche active en lançant des projets de long terme (aide au développement à l’irrigation, modernisation des techniques de culture…) ou en attirant l’attention sur une situation donnée.

Intervenant de manière complémentaire ou en guise de contre-pouvoir, les ONG et leur montée en puissance ne sont cependant pas sans susciter des interrogations et critiques croissantes.

Se pose notamment la question de leur légitimité en tant qu’acteur politique. Organisations non-élues, elles constituent pourtant bel et bien sur le terrain une force d’action avec une influence concrète sur le mode de vie des populations ; de fait, dans quelle mesure l’orientation impliquée par tel ou tel programme reflète-t-elle véritablement les aspirations des populations qu’elle concerne ? Plus largement, c’est à des accusations de néo-colonialisme que les ONG doivent faire face. Bien qu’évidemment appréciées par les bénéficiaires des aides, le sens de celles-ci suivent en effet presque toujours le même parcours Nord/Sud, entretenant ainsi implicitement une hiérarchisation des pays toujours problématique.

Les ONG ne font d’ailleurs pas l’unanimité au sein même du bloc des grandes puissances : elles correspondent davantage à une conception anglo-saxonne de l’État, qui laisse une grande place aux initiatives privées. Une conception que ne partagent pas des pays plus unitaires comme la France, où l’on considère plus volontiers que les ONG affaiblissent l’État en le maintenant sous perfusion des aides internationales. Le terme de « république des ONG » avait d’ailleurs été avancé pour regretter, à la suite du séisme de 2011, la léthargie et la déliquescence dans lesquelles était plongée la structure étatique haïtienne, du fait des nombreuses et parfois redondantes aides internationales. Majoritairement financée par des aides d’États ou des fondations de grandes entreprises, l’indépendance des ONG pose également problème. Souvent, les dons se révèlent intéressés en ce qu’ils permettent à leurs émetteurs de renvoyer une bonne image d’eux-mêmes et d’ainsi se dédouaner des conséquences de leurs autres activités, fussent-elles en totale contradiction avec les objectifs des ONG…

Se présentant volontiers comme le symbole de l’émergence d’une gouvernance mondiale aux responsabilités mieux partagées, le défi pour les ONG consiste donc désormais à mieux définir et cloisonner leurs financements et cadres d’actions, au risque de n’être plus considérées à terme que comme les simples avatars d’acteurs plus traditionnels.

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