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Hydrocarbures et terrorisme: un cocktail explosif 2/2

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L'attaque du tanker Limburg, le 6 octobre 2002 au large du Yémen, revendiquée par Al Qaeda dans la Péninsule Arabique.
L’attaque du tanker Limburg, le 6 octobre 2002 au large du Yémen, revendiquée par Al Qaeda dans la Péninsule Arabique.

Suite et fin. Les pipelines, à entendre par gazoducs ou oléoducs, sont également des cibles de choix pour les groupes terroristes du fait des larges étendues, impossibles à sécuriser entièrement, que traversent ces tubes. Certains pipelines, à l’instar de l’oléoduc Droujba reliant la Russie à l’Allemagne ou, à moindre échelle, du LHP (Le Havre-Paris) sont des axes stratégiques qui, attaqués, pourraient avoir des conséquences économiques pour les états et symboliques sur les marchés.

I / Pipelines et menace terroriste

Selon Robert BAER (ancien officier de la Central Intelligence Agency), dans son livre Or noir et Maison banche – Comment l’Amérique a vendu son âme pour le pétrole saoudien, pour atteindre massivement les marchés il faudrait « une série d’attentats concertés et simultanés d’un groupe de terroristes sur plusieurs sites éloignés les uns des autres (qui) causerait (…) des dommages très sérieux sur le réseau de distribution », dans un des grands pays producteurs et particulièrement un swing supplier comme l’Arabie Saoudite.

La province du Baloutchistan, frontalière de l’Iran et du Pakistan, est un exemple typique d’espace à fort risque terroriste sur les réseaux de distribution. La présence de factions séparatistes, comme la Balochistan Liberation Army, entraîne des atteintes à l’intégrité des pipelines, devenus symboles de la spoliation des ressources par l’autorité centrale. 216 attaques sur des gazoducs furent répertoriées entre 2005 et 2014, 16 personnes furent tuées lors de ces sabotages. Les Factions Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) seraient, selon les données du Center for Security Studies de l’ETH Zurich, responsables de 513 attaques contre des pipelines de 1980 à 2011. Ces chiffres sont toutefois un minimum : un grand nombre d’attaques n’est pas répertorié.

Il est manifeste qu’une telle insécurité pèse sur les finances des états victimes et décourage les investisseurs. Toujours en Colombie, suite à une série de près de 64 attaques entre janvier et juillet 2014, les industries pétro-gazières auraient perdu près de 460 millions $US en pertes et réparations, sans compter les frais liés aux opérations de nettoyage de l’environnement.

II / La menace terroriste dans le transport maritime d’hydrocarbures

Le 6 octobre 2002, le tanker français Limburg a été la cible d’une embarcation suicide à 25km du d’Ash-Shihr (Yémen). L’embarcation, comme dans le précédent de l’USS Cole, était chargée de 500kg d’explosifs. Un marin perdit la vie et 12 autres furent blessés. Les pertes économiques furent d’environ 60 millions $US. L’attentat fut probablement mené par Al Qaeda dans la Péninsule Arabique. Les assureurs maritimes triplèrent leurs taux d’assurance sur les navires à destination des eaux yéménites, nuisant ainsi à l’économie du pays. Qui plus est, l’attaque entraîna le déversement de près de 90.000 barils en mer, causant un coût écologique majeur et financier pour nettoyer les eaux.

Dans une fatwa datée du 15 juin 2004, Al Qaeda proclame que « s’attaquer aux intérêts pétroliers appartenant aux incroyants est autorisé, pour autant que cela leur fasse mal et les remplisse de confusion. Les intérêts pétroliers des incroyants comprennent des navires pétroliers américains et des pays occidentaux ». Il existe donc une menace du djihad maritime.

Les tankers ou les méthaniers pourraient être utilisés comme des armes une fois détournés. L’explosion d’un méthanier en pleine charge à proximité immédiate d’un port causerait des dommages considérables. Un autre scénario serait celui de l’explosion d’un tanker/méthanier en plein cœur d’un détroit ou canal de faible largeur; les opérations de nettoyage rendraient la zone impraticable sinon réduirait fortement le trafic maritime. Ils sont cependant plus difficiles à investir et à tenir qu’un avion. Les terroristes ne peuvent pas se faire passer pour des membres d’équipage du fait des procédures de registres et du nombre restreint de personnels à bord. De plus, à l’inverse d’un avion de ligne ou d’un navire de croisière, les terroristes ne peuvent pas s’infiltrer parmi les passagers. Enfin, un navire serait quasi impossible à tenir, excepté par l’usage d’otages, face à une intervention de forces spéciales. Le terrorisme maritime reste pour le moment rare.

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