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Quelle voie entre régionalisme et multilatéralisme ?

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Du 15 au 18 décembre 2015 à Nairobi, l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) cherchera à donner un nouvel élan au cycle de Doha lancé en 2001 mais actuellement au point mort. Les échecs successifs de l’OMC s’expliquent partiellement par la marginalisation progressive du multilatéralisme face au régionalisme. En 1960, l’OMC comptait 20 ACR (Accords Commerciaux Régionaux) pour plus de 250 en vigueur aujourd’hui. Toutefois, force est de constater que le régionalisme peut apparaître à certains égards comme une opposition au processus de mondialisation…

L’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation), au cœur des ambivalences entre régionalisme et multilatéralisme, se prépare à de nouvelles tensions pour le sommet 2015 aux Phillipines
L’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation), au cœur des ambivalences entre régionalisme et multilatéralisme, se prépare à de nouvelles tensions pour le sommet 2015 aux Phillipines

Le processus de régionalisation des économies se déroule en 2 étapes. D’abord, l’existence de flux de réseaux d’échange de tout type puis la création d’institutions communes. Après les trois vagues ayant impulsé le régionalisme à échelle mondiale (l’intégration européenne, les premiers accords Nord-Sud dans le contexte de la fin de la guerre froide, la fragmentation de la production industrielle liée à l’émergence asiatique), de nombreuses critiques se soulèvent contre le régionalisme. En effet, le passage entre les simples échanges et l’institutionnalisation du régionalisme demeure complexe. Alors que la politique des petits pas de Jean Monnet avait enregistré un certain succès, aujourd’hui le spillover effect (passage de la construction économique à la construction politique) européen connaît d’importantes difficultés à l’image de la faiblesse de la politique industrielle commune européenne. Ce premier cas illustre les apories actuelles du régionalisme optimal. Toutefois, le régionalisme moderne se comprend aujourd’hui de plus en plus comme l’unique l’existence de flux économiques. En effet, l’Asie, au coeur de la dernière vague, n’a pas vocation à long terme à se lancer dans des institutions communes : le régionalisme réticulaire asiatique analysé par Philippe Hugon est un modèle peu porté par les institutions mais par les économies à la différence du régionalisme fédérateur européen. Aussi, les réussites potentielles du régionalisme sont mises à mal par de nombreux facteurs. Prenons l’exemple du Burundi. A la fois membre de la Communauté Est-Africaine (EAC), de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), de la COMESA (Marché Commun de l’Afrique orientale), le Burundi se retrouve au cœur d’un meccano institutionnel où il se retrouve piégé entre les intérêts défendus par les uns et par les autres. Cette situation proche du bol de spaghetti décrit par Jagdish Bhagwati nous amène à évoquer l’inefficacité d’un excès de régionalisme. Ce même excès retrouve ses limites dans un régionalisme aux vocations trop vastes. Comment peut-on conférer à l’APEC une vision stratégique commune sachant que la Papouasie Nouvelle Guinée côtoie les Etats-Unis ? Dès lors, au sein des régionalismes surdimensionnés, les tensions sont nombreuses en vertu des déséquilibres dans les négociations, des impérialismes exercés par les pays majeurs à l’instar du Nigéria sur la CEDEAO, de l’Inde sur la SAARC. De fait, l’Etat-Nation devenu Etat-Région selon Kenichi Ohmae est loin de remplir ses promesses.

Au-delà de ces constats qui concernent chaque bloc régional, il est également intéressant de s’intéresser aux relations entre chaque bloc régional et de les comparer avec le multilatéralisme. Si les blocs régionaux entraînent une certaine force inclusive en leur sein comme le montre l’Union Européenne avec 63% de commerce intra-européen, plus puissant encore est l’antagonisme entre les différents blocs régionaux. En effet, le protectionnisme ou plutôt le « murky protectonnism » (protectionnisme inavoué et camouflé) exercé par les ensembles régionaux entrave les échanges inter-blocs et par là même le multilatéralisme. Ainsi, on remarque l’apparition de logique défensive où le principal objectif est de contrecarrer les velléités d’autrui. De plus, les blocs régionaux forment des détournements de trafic en raison, par exemple, des subventions permettant l’établissement de prix attractifs pour les pays membres. Pour conséquence, l’intégration régionale semble défavorable aux pays situés en fin de processus de distribution puisqu’ils subissent ces détournements et doivent ainsi s’approvisionner auprès du pays fournisseur le moins efficace. Face au système discriminatoire du régionalisme, on ne peut alors qu’évoquer un multilatéralisme dégradé issu des limites propres aux blocs régionaux.

Néanmoins, cette situation d’une prépondérance du régionalisme sur le multilatéralisme est-elle inquiétante ? La déglobalisation, étudiée par Brad Setser, illustre ces peurs. Elle ne signifie pas la fin de l’ouverture économique et financière entre les pays mais une situation où les échanges deviennent moins dynamique et où les exportations peuvent moins alimentés la croissance des pays. Par conséquent, la croissance d’un bloc régional se transmet moins aux autres blocs. Dès lors, le régionalisme accentue la dérive des blocs régionaux et la fragilité interne des blocs puisqu’ils ne dépendent uniquement de leur propre stabilité. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas opter pour une vision reposant sur le principe de subsidiarité comme appliqué au sein de l’Union Européenne ? L’OMC, en charge du multilatéralisme, serait le niveau approprié en ce qui concerne les politiques tarifaires, mais les blocs régionaux seraient les plus à même de régler des domaines plus spécifiques. Finalement, le régionalisme n’est pas un antagonisme au multilatéralisme si et seulement si les acteurs de la mondialisations réfléchissent selon la maxime suivante : l’échelle la plus compétente de l’action doit agir. Cependant, au regard des débats européens confus sur le principe de subsidiarité, il est difficile à l’heure actuelle pour l’OMC de choisir sereinement cette solution.

 

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