L’Empire, la démocratie, le terrorisme – Eric John Hobsbawm – Fiche de lecture
André Versaille éditeur et le Monde Diplomatique, 2009, 180 pages.
AUTEUR : Eric John Hobsbawm
Né le 9 juin 1917, Eric John Hobsbawm est un historien britannique. Membre à partir de 1936 du Parti communiste de Grande-Bretagne. Il a beaucoup travaillé sur la question des nations et des nationalismes en Europe au XIX° siècle et au XX° siècle ainsi que sur l’invention des traditions par les nations. Il est l’auteur de L’Age des Extrêmes (2008).
OBJET : recueil de discours faits par l’auteur qui porte un regard rétrospectif sur le XX° siècle et s’interroge sur les attentes que l’on peut avoir du XXI° siècle.
RESUME :
I – Nature et mutation des Etats et du nationalisme
A / Les raisons de la crise de l’Etat-Nation
• l’Etat Nation a perdu son monopole traditionnel de la force armée.
• Sous l’impulsion de la mondialisation les Etats délaissent la majeure partie de leur prérogative traditionnelle au bénéfice d’opérateurs privés. Il y a eut en Irak 30000 hommes en armes, dépendants de sociétés commerciales en contrat avec les USA
• Mondialisation qui se manifeste aussi par une plus grande mobilité des êtres humains.
• Les deux piliers fondamentaux de la stabilité gouvernementale à vaciller à savoir la participation des citoyens à la vie politique et leur disposition à obéir à un Etat établi.
B / Les impacts
• Le matériel de guerre est désormais accessible aux milices (IRA, ETA), les conflits armés intérieurs sont devenus plus sérieux et plus longs (Colombie). (ex : Kalachnikov, 125 millions circulent dans le Monde aujourd’hui, on peut les commander sur internet aux EU)
• Montée des régionalismes (Espagne, France,…) et des nationalismes (Yougoslavie)
• Augmentation sans précédent du nombre « d’Etats défaillants » (= dont le gouvernement central se délite, ou avec montée de nationalismes rebelles) qui sont des régions instables.
• Conséquence inquiétante : le retour des massacres, nettoyages ethniques (Rwanda, ex-Yougoslavie) => Augmentation du nombre de réfugiés.
• Xénophobie grandissante.
• Déclin de la capacité d’un Etat à se faire obéir ou à obtenir la participation de ses citoyens.
Le véritable danger n’est plus un conflit interétatique mais un conflit intra étatique particulièrement dans les Etats pauvres, très inégalitaires et économiquement fragile. En 2004, la CIA a identifié 50 régions dans le Monde sur lesquelles les Etats exerçaient très peu de contrôle.
II – Où va l’Empire Américain ?
A / Comparaison avec le Royaume-Uni
L’Empire britannique ne peut être un modèle pour le développement de l’hégémonie américaine. Sauf sur un point : Le Royaume-Uni connaissait ses limites, il a été « sauvé de la mégalomanie qui est la maladie habituelle des aspirants maîtres du Monde ». Il essaya de maintenir le reste du Monde suffisamment stable pour s’occuper de ses propres affaires mais sans chercher à lui dicter ce qu’il devait faire.
B / Le projet des Etats-Unis : exporter sa démocratie.
1 – Les dangers
• La campagne pour exporter la démocratie peut menacer l’intégrité des valeurs universelles car les Etats privilégient avant tout leurs intérêts.
• Les conditions pour qu’un Etat soit réellement démocratique sont rares : il doit être légitime, disposer du consentement des citoyens et être capable d’arbitrer les conflits entre groupes internes. De telles conditions ne peuvent pas être apportées artificiellement.
• Exporter la démocratie a aggravé les conflits ethniques et entrainé la désintégration des Etats dans des régions multinationales et multicommunautaires.
• Exporter la démocratie crée l’illusion qu’elle existe chez les pays exportateurs. Or, ce n’est pas vraiment le cas car par exemple, la démocratie électorale américaine n’a pas pris part à la décision d’engager une guerre en Irak.
2 – Guerre en Irak = exemple de la « frivolité » des décisions de Washington :
• Le pays affaibli ne s’est jamais rendu, et les Etats-Unis qui veulent une « refonte du Proche Orient » auraient dû faire pression sur les israéliens plutôt que de s’attaquer à un des seuls gouvernements laïcs avec la Syrie, à laquelle ils veulent s’attaquer aussi.
• Termes comme « axe du mal » creux, ne justifient rien à part que EU veulent conquérir n’importe quel pays pas trop grand et à condition que la victoire y soit facile
C /Comment le Monde va-t-il faire face aux EU, c’est-à-dire pour les contenir ?
Certains vont soutenir EU sous prétexte qu’ils vont éliminer certaine injustice locale ou régionale ; mais cela ne saurait justifier le risque que représente, pour la planète, une puissance mondiale qui à la fois se désintéresse d’un Monde qu’elle ne comprend pas et peut intervenir par la force armée contre quiconque lui déplait.
« A l’heure actuelle, l’objectif principal est, sinon de contenir, d’éduquer ou de rééduquer les Etats-Unis »
III – Violence et terrorisme
A /Depuis les années 70, Trois explosions de violence et de contre violence :
• Luttes armées en Europe occidentale et en Amérique latine qui comptaient sur le terrorisme pour attirer l’attention des médias (la fraction armée rouge en RFA) mais aussi sur des actions ciblées contre les gouvernements (assassinat du premier ministre italien en 1978).
• L’Afrique, le Sud de L’Asie et le Sud est européen furent les principales régions touchées par la 2ème Première utilisation de l’attentat suicide par la Hezbollah libanais contre les Américains en 1983 car les terroristes ont découvert que le massacre d’innocents a une plus grande valeur médiatique que n’importe quelle cible.
• La 3eme se manifeste actuellement par la systématisation de la violence politique. Ces mouvements possèdent deux caractéristiques : ils comptent peu de membre (cf Al-Qaïda ne réunit que 4000 individus) et ils sont en moyenne composés de personnes mieux éduquées que les autres membres de la communauté à laquelle ils appartiennent (en Palestine 57% des kamikazes ont poursuivi leurs études après le secondaire contre 15% de la population du même âge).
B / Les impacts de la mondialisation de la « guerre contre le terrorisme » lancée en septembre 2001
• Le danger constitué par ces nouveaux réseaux terroristes est négligeable pour les Etats stables du monde développé mais aussi d’Asie. → « nous vivons dans un climat de peur irrationnelle »
• Efficacité des politiques de lutte contre le terrorisme nulle, car c’est justement cet l’effet de peur que les terroristes cherchent à produire !
C / Le Football éclaire parfaitement la dialectique entre la mondialisation, l’identité nationale et la xénophobie
Trois effets à la mutation de ce sport populaire en complexe industriel capitaliste mondial :
• Affaiblissement de la position des clubs ne participant pas aux compétitions internationales
• Conflit avec le football en tant qu’expression de l’identité national. Superclubs font passer équipes nationales au second plan. Cependant, pour certains pays d’Afrique et d’Asie, l’équipe nationale a su insuffler une identité nationale.
• Montée des comportements xénophobes pendant les matchs (Tifosi) des supporters.