A quoi sert l’ORD ?
Organe peu connu mais très actif dans la gestion des litiges commerciaux, l’Organe de Règlement des Différends (ORD), juridiction de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en a constitué la principale nouveauté lors de sa création en 1994. L’ORD a pour objectif de limiter l’unilatéralisme dans la résolution des contentieux économiques internationaux. Avant la création de l’OMC, la résolution des conflits en matière commerciale était régie par le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) et nécessitait un consensus souvent difficile à atteindre. Les conflits se transformaient régulièrement en véritables guerres commerciales. Avec la création d’une juridiction spécialisée, la « loi du plus fort » est limitée et les parties impliquées ne peuvent refuser ou retarder la procédure. Le droit régit désormais les conflits : le pays « vainqueur » est ainsi en droit de prendre des mesures de rétorsion si le pays « vaincu » ne met pas fin au comportement condamné par l’ORD qui dispose d’un pouvoir de sanction financier unique dans le système judiciaire international.
L’ORD est composé d’un groupe spécial composé d’experts indépendants choisis sur une liste dressée par les Etats membres, et d’un organe d’appel composé de juristes. Lorsqu’une affaire est présentée à l’ORD, le groupe spécial rend un rapport contenant des recommandations. L’organe d’appel peut ensuite confirmer, infirmer ou modifier les conclusions du groupe spécial. Le règlement via l’ORD n’est pas obligatoire et peut être fait à l’amiable.
Si l’ORD semble créer une nouvelle forme de régulation économique, il présente de nombreuses limites
La marge de manœuvre de l’ORD reste faible. Les organes de l’ORD ne peuvent pas s’autosaisir, cela doit être le fait d’un Etat s’estimant lésé par la pratique d’un autre Etat contraire aux principes de l’OMC. De plus, il ne créé pas de jurisprudence. Les conclusions émises sont simplement fondées sur les accords passés au sein de l’OMC. Aussi, les Etats semblent réticents à la création de nouvelles règles généralisables à l’ensemble de l’organisation économique.
Le bilan de l’ORD est néanmoins globalement positif. Il a notamment permis aux petits Etats ou aux Etats en développement de faire valoir leurs droits, ce qui était peu fréquent auparavant. L’affaire célèbre dite des « essences nouvelles » (1) illustre le caractère de plus en plus incontournable de l’organe en matière commerciale. L’ORD jouit par ailleurs d’une importante crédibilité comme en atteste le recours croissant d’Etats variés. Entre 1995 et 2000, 45 plaintes ont été déposées par les pays en développement, contre une centaine pour les pays développés. En 2003, les plaintes des pays en développement constituaient 60% des plaintes déposées.
Parfois amené à traiter des contentieux revêtant des enjeux complexes de santé publique ou de respect de l’environnement (bœufs aux hormones entre l’UE et les Etats Unis par exemple), l’ORD a suscité un fort mécontentement de la part de la société civile, mais aussi de firmes multinationales. Afin d’asseoir sa légitimité diverses pistes de réformes sont évoquées : une plus grande professionnalisation des groupes spéciaux, un renforcement de la transparence de ses travaux, une participation des entreprises (afin de se défendre) ou des ONG (afin de représenter la société civile) ou encore une meilleure coordination avec d’autres organismes tels que l’OCDE en sont des exemples. Sans remettre en cause le principe de son existence de l’ORD, ces pistes de réformes mettent en exergue son utilité
(1) Les Etats-Unis avaient établi de nouvelles règles plus strictes sur les particularités chimiques des essences importées que sur les essences provenant du territoire américain. Le Venezuela a considéré ces règles discriminantes et non fondées. Le Venezuela a donc lancé une procédure contre les Etats-Unis et a été suivi en cela par le Brésil. Les deux pays ont obtenu gain de cause devant l’ORD.