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Qu’est-ce que le landgrabbing ?

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Le landgrabbing : premières tensions géopolitiques dues au changement climatique ?
Le landgrabbing : premières tensions géopolitiques dues au changement climatique ?

La mondialisation n’est pas un phénomène qui concerne uniquement les productions industrielles ou le développement des services. La réduction des temps de transport a aussi révolutionné le secteur agricole et ses processus de production, en rendant complémentaire, à la manière de la division internationale du travail pour l’industrie, des pays et régions plus qu’éloignés. Une mise en relation qui paraît cependant bien déséquilibrée.

Le landgrabbing désigne ainsi le phénomène selon lequel des pays, le plus souvent via des entreprises privées ou d’État, achètent ou louent à d’autres États souverains des terres arables, dont l’entièreté de la production sera destinée au pays propriétaire des terres. Si le concept fait penser aux « républiques bananières » d’Amérique centrale des années 50-60, il revient aujourd’hui sur le devant de la scène du fait des considérations grandissantes à propos du changement climatique.

Des considérations qui in fine relèvent en fait d’un problématique de sécurité alimentaire, et qui concerne des pays aussi variés que la Chine, l’Inde (pollution des terres, pression démographique…), les pays du Golfe (sécheresse) ou encore le Japon (manque d’espace). Les pays hôtes ont eux en commun de posséder un système foncier très libéralisé ou assez peu réglementé, du fait d’une histoire souvent assez tourmentée. Ainsi de l’Afrique sub-saharienne (Soudan, Ethiopie…) ou de l’Amérique centrale (Argentine, Brésil…) qui ont vu leur système foncier familial ou villageois complètement bouleversé et libéralisé par les réformes structurelles du FMI (années 80), ou encore de l’Europe centrale et orientale (Ukraine notamment) où la décollectivisation a laissé derrière elle une structure agraire vierge de tout droit foncier. Les acteurs du landgrabbing, qui concernerait aujourd’hui près de 1% de la superficie agricole utile (SAU) mondiale, profitent aussi dans ces pays de systèmes politiques lâches et réputés pour la corruption qui y règne – en Afrique notamment – ou bien se révèlent opportunistes et spéculationnistes en rachetant à des prix intéressants des domaines familiaux sur le déclin avant d’y investir massivement (Argentine, Uruguay…)

Le schéma est alors celui d’une agriculture extensive qui n’en utilise pas moins des méthodes d’exploitation très agressives : utilisation massive d’engrais, de pesticides, d’OGM, mécanisation poussée… Autant de pratiques qui ne sont pas sans poser de nombreux problèmes. Environnementaux d’abord : en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est (Cambodge par exemple), l’optimisation acharnée des rendements des parcelles conduit à la déforestation massive des forêts tropicales ainsi qu’à l’appauvrissement et à la pollution des terrains, nappes phréatiques ou cours d’eau. Souvent, la déforestation entraîne aussi des conflits avec des populations indiennes qui voient leur habitat disparaître progressivement (région argentine du Chaco par exemple). Enfin, contrairement à ce qu’arguent les multinationales concernées, leurs implantations et investissements dans les pays hôtes ne bénéficient que très peu à l’économie et aux populations locales. Au contraire, le landgrabbing aurait tendance à renforcer l’exode rural. En effet, loins de récupérer des emplois stables, les ouvriers agricoles sont utilisés comme variables d’ajustement en fonction des saisons et moments de récolte, mécanisation et utilisation d’intrants permettant en fait d’effectuer la majeure partie du travail avec quelques conducteurs de tracteurs et un ou deux pilotes d’avions légers afin de pulvériser les pesticides…

Dans bien des cas, ce commerce de terres ne profite donc qu’à une petite élite politique locale ou nationale , dans une logique qui continue à favoriser la rentrée de devises au détriment de l’intérêt des populations locales (milieu de vie, emploi, famines…). Dans ce contexte, l’on comprend le rapprochement qui est fait entre landgrabbing et néocolonialisme, qu’il convient néanmoins de nuancer en constatant qu’une part non-négligeable du phénomène concerne des rapports Sud-Sud (Chine-Afrique, Vietnam-Cambodge…).

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