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L’intelligence économique américaine (1/2)

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L'Intelligence Community (IC) joue un rôle actif dans la défense des intérêts économiques américains
L’Intelligence Community (IC) joue un rôle actif dans la défense des intérêts économiques américains

L’histoire politique américaine s’est depuis l’indépendance toujours développée sur fond d’intenses débats économiques. Républicains protectionnistes contre démocrates libres-échangistes comme matrice originelle de la guerre de Sécession, plan Marshall à la suite de la 2nd Guerre mondiale, système de Bretton Woods puis abandon de l’étalon-or, extension du capitalisme après la chute du communisme… La politique commerciale occupe une dimension importante du débat public étasunien et a conduit les autorités, dans un cadre de concurrence accrue, à développer de puissants outils au service d’une véritable politique publique économique.

Une politique qui s’appuie d’abord sur un véritable « écosystème » d’agences et structures dédiées à l’intelligence économique et coordonnées par l’Intelligence Community (IC), rattachée à la Maison Blanche. Elle regroupe, entre autres, la CIA, des agences du Pentagone, du département d’Etat, du FBI, du département du Trésor ou encore des gardes-côtes. Le département d’Etat traite les informations en provenance des ambassades, le ministère de l’énergie récupère des informations concernant les programmes de nucléaires civils et militaires, les gardes-côte répertorient et filtrent les flux et trafics en tous genres… Autant de données que recueille traite et classifie l’IC, et qui sont, du fait de porosités organisées, autant d’informations dont disposent les entreprises américaines sur leurs concurrents, les marchés et les politiques économiques étrangères.

Le secteur de la défense offre un exemple probant de ce qu’est ce puissant partenariat public/privé, à travers le Foreign Military Sales Program (FMS), qui gère les exportations d’armes et de matériels militaires américains. Programme dirigé par le département de la Défense et le département d’Etat, il est l’interface publique à laquelle s’adressent les Etats désireux d’acquérir du matériel militaire américain. Dès lors, le FMS permet une approche intégrée, mêlant de manière étroite voire indissociable volets politique et militaire d’une part, économique de l’autre, conditionnant ainsi de manière implicite, et à des degrés divers, toute vente de matériel à une coopération politique et stratégique. Dans les faits, cette approche se traduit par des accords de sécurité bilatérale, surtout en Asie-Pacifique, vecteur d’un contexte (prétexte ?) politique et stratégique à la vente d’armes. Une méthode qui fait profiter le secteur économique de l’attrait du parrainage stratégique américain, et que Jean-Baptiste Velut désigne, dans un numéro de Question Internationales consacré aux Etats-Unis, sous le de « con-gagement », mélange de containtment et d’engagement, main tendue pour mieux forcer celle de l’interlocuteur.

Une autre grande caractéristique de l’intelligence économique américaine repose sur l’élaboration d’un corpus législatif ouvertement protectionniste. On peut notamment citer les sections 201 et 301 du Trade Agreement Act de 1974, permettant aux firmes américaines d’échapper temporairement aux conséquences d’une réduction importante des droits de douanes et offrant la possibilité de prendre des mesures de représailles contre des pays que l’administration considère comme concurrents déloyaux. Initialement mobilisables dans le cas de mesures déloyales d’autres pays, établies après enquête des autorités américaines, leur utilisation (qui donne droit à des subventions publiques notamment) demeure marquée d’ambiguïté, tant le désavantage relatif à la réduction des droits de douanes s’avère être, selon les interprétations, le fait de pratiques déloyales ou de simples carences de compétitivité. Plus révélatrices encore sont les sections super 301 et 301 spéciale du Trade Act de 1988, la première permettant de relever les droits de douane avec les pays représentant plus de 15% du déficit commercial américain, la seconde visant elle les pays ne respectant par les normes américaines de propriété intellectuelle. Non-membre de l’OMC en 2001, l’Ukraine s’était ainsi vue imposer des tarifs prohibitifs sur ses exportations de métaux et de chaussures à destination des USA, l’United States Trade Representative (USTR) ayant conclu à une importante lacune législative dans ce pays, relative à la protection des droits d’auteurs des CD musicaux.

Autant d’exemples qui témoignent de l’approche volontariste qu’ont les Etats-Unis de la mondialisation, qui repose sur une coordination poussée des secteurs public et privé, les autorités n’hésitant pas à profiter de leur statut de première puissance mondiale pour aider leurs entreprises et peser sur les règles du commerce mondial.

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