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La stratégie française de lutte contre le terrorisme islamiste – Gregor Mathias – Fiche de lecture

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« Trois ans après les premiers attentats terroristes, Gregor Mathias fait un bilan de ce qui a changé dans le domaine du renseignement intérieur et extérieur, de la lutte au quotidien contre le terrorisme par le plan Sentinelle et les lois antiterroristes et des procédures judiciaires. Il montre que cette stratégie est complétée par des opérations militaires menées contre les djihadistes et les donneurs d’ordre à l’étranger. Sans éluder les dysfonctionnements ayant conduit à un attentat ni les critiques des mesures prises, il explique comment les institutions civiles et militaires de la République se sont progressivement adaptées à la lutte contre le terrorisme islamiste qui demeurera le véritable défi sécuritaire de notre pays pour les vingt années à venir »[1].

Chapitre 1 : Le danger djihadiste

Sentinelle, une opération militaire de prévention d’actes terroristes dans les lieux publics

Après avoir, dans l’introduction du livre, évoqué le renouveau du phénomène terroriste depuis la fin de la guerre d’Algérie, l’auteur s’attache, dans le premier chapitre, à faire une typologie des profils terroristes. Selon lui, il est possible d’en définir six catégories : 1) le fou atteint de problèmes psychiatriques, c’est notamment le cas du terroriste qui a perpétré l’attentat de Nice en juillet 2016 ; 2) la brute radicalisée et ayant combattu à l’étranger, souvent infiltrée en Europe via le flux des migrants. Cette dernière bénéficie la plupart du temps d’un soutien logistique élaboré et a pour objectif de continuer le combat. 3) Le truand est le troisième type de profil terroriste listé. Il s’agit d’une personne originellement issue de la petite délinquance et ayant basculée dans le terrorisme pour se venger de la société. En général, sa radicalisation se déroule en prison, au contact des autres détenus radicalisés. 4) Le quatrième profil englobe sous le terme « d’innocents », les femmes et les mineurs qui représentent 15% des 18 550 personnes radicalisées recensées dans le Fichier des Signalements pour la Prévention et la Radicalisation à caractère Terroriste (FSPRT). L’auteur insiste particulièrement sur la sous-estimation de l’engagement des femmes dans le terrorisme, démontrant qu’elles font la plupart du temps des complices très engagées aux cotés de leurs maris, voire perpétrant elles-mêmes les attentats (Moscou en 2003, 2004 ; Mossoul 2017…). 5) Les amateurs sont les personnes qui tentent des actes terroristes mais échouent, en raison de leur inexpérience (peu de temps passé sur les zones de combat, peu experts en maniement des armes). L’amateur est un profil d’autant plus dangereux qu’il est difficile de prévenir ses attentats, du fait de la diversité des profils existants. 6) Le dernier profil concerne les migrants revenant de pays en guerre et susceptibles de se radicaliser dans les mois suivants leur arrivée en Europe.

A la suite de cette typologie, Mathias met en avant l’importance de deux groupes islamistes terroristes, en l’espèce l’Etat Islamique et Al Quaïda, rappelant les nombreux actes terroristes dont ils ont été responsables au cours de la dernière décennie. Il pointe du doigt l’importance d’Al-Quaïda, « supplanté » depuis peu par l’Etat Islamique. Cependant, Mathias considère ce groupe comme une menace encore bien réelle, qui ne s’est pas estompée avec le temps. L’auteur souligne notamment l’implantation du groupe dans le monde entier, ainsi que le professionnalisme dont il fait preuve dans la préparation et l’accomplissement de ses attentats.

Chapitre 2 : Prévoir la menace : le renseignement

Après avoir proposé un « portrait-robot » du djihadiste, Mathias aborde de manière détaillée l’organigramme du renseignement français. Il présente dans ce chapitre les différents services de renseignement contenus dans les Ministères de l’Intérieur, des Armées, de la Justice et de l’Economie et des Finances, ainsi que leurs rôles (récolte du renseignement ; prévention et démantèlement des attentats ; suivi des personnes radicalisées en liberté comme en détention…etc.). Il souligne à cette occasion les difficultés rencontrées par ces services. Si les attentats perpétrés sur le sol français ont été rendus possibles, c’est qu’il subsiste une lacune au niveau de la coordination au sein des services de renseignements, ainsi qu’entre les renseignements français et européens. Est également dénoncée l’absence d’une mutualisation au niveau national entre les services des fichiers identifiant les personnes radicalisées.

Chapitre 3 : Une meilleure sécurité au quotidien

Le chapitre 3 est consacré à la présentation de l’amélioration de la sécurité au quotidien, pour les civils comme pour les forces de l’ordre. Mathias nous rappelle les nouvelles règles appliquées par les forces chargées de la lutte contre le terrorisme, ainsi que les différentes unités qui maillent le territoire français et préviennent quotidiennement un nouvel acte terroriste. Par la suite, il présente de manière détaillée la nouvelle législation antiterroriste applicable depuis la fin de l’état d’urgence et ses impacts sur le quotidien des Français. Enfin, il décrit la mise en place de l’opération Sentinelle déployée sur tout le territoire national pour protéger les lieux publics, ainsi que les inconvénients qu’elle présente.

Chapitre 4 : Juger les terroristes en France et les mettre hors d’état de nuire à l’étranger

Le dernier chapitre de cet ouvrage est consacré à une présentation de l’organigramme judiciaire français, destiné à juger les terroristes. De même que dans le chapitre 2, l’auteur détaille les services en charge du jugement des terroristes et leurs rôles. Mathias propose une critique des dysfonctionnements du système judiciaire, qui n’ont pas permis d’empêcher des attentats sur le sol français. Enfin, il liste les opérations extérieures menées par la France et ses alliés, telles que Barkhane, Serval, Chammal, dont l’objectif est de combattre le terrorisme islamiste et son expansion, dans les zones de guerre (Syrie, Irak, Afrique sub-saharienne…etc.).

Un livre exhaustif et clair pour tous ceux qui désirent avoir un schéma limpide de la stratégie française de lutte antiterroriste mise en place à tous les niveaux (opérationnel, législatif etc.) depuis les différents attentats en France. L’auteur n’hésite pas à pointer du doigt les défaillances de cette stratégie, en présentant les divers dysfonctionnements. La conclusion de Mathias est que la stratégie française de lutte contre le terrorisme islamiste s’avère concluante mais que la menace reste globale et actuelle. Elle est un défi que la France doit continuer à relever dans les années à venir, en s’attaquant le plus rapidement possible à toutes les racines du mal, ce qu’elle n’a pas encore fait. Un ouvrage bien construit et bien documenté, que l’on referme en ayant une meilleure compréhension de l’état des lieux de la stratégie française de lutte contre le terrorisme islamiste au XXIème siècle.

[1] Gregor Mathias 2018 : La stratégie française de lutte contre le terrorisme islamiste. Paris : Editions Balland.

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Jeanne-Marie BIOL

Jeanne-Marie Biol est étudiante en master Carrières Administratives à Sciences Po Bordeaux. Elle s'intéresse particulièrement à l'histoire et à la géopolitique du Moyen-Orient et de la Russie ainsi qu'aux questions de défense. Elle est rédactrice pour les Yeux du Monde depuis novembre 2018.

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