Le PIB, un indicateur qui ne dit pas tout
Depuis son invention en 1934 par Simon Kuznets, le Produit Intérieur Brut, qui mesure la valeur ajoutée annuelle produite par une économie, fait figure d’indicateur de référence des performances économiques et du développement d’un territoire. Mais cet indicateur est-il pertinent, dans la mesure où la hiérarchie qu’il donne est fondée sur une croissance exclusivement quantitative, et non qualitative ?
Le PIB, une mesure économique imparfaite
Face à la crise économique qui sévit encore en Europe, le discours politique est clair : il faut relancer la croissance. Dès lors, des objectifs précis de hausse du PIB sont affichés, et tout est fait pour que ceux-ci soient atteints. Mais le PIB, élevé au rang de religion depuis sa création, est loin d’être une mesure parfaite. D’abord, la hiérarchie mondiale des PIB ne reflète pas la solidité de l’économie d’un pays. Selon l’économiste Patrick Artus, 20% des emplois britanniques sont liés à la finance, fragilité évidente en cas de déclin de la City, ce que ne reflète pas la croissance du PIB britannique. En outre, le PIB ne tient pas compte des externalités négatives éventuelles que génère l’activité économique. Certes le coût des matières premières est pris en compte, mais pas celui de la pollution ou encore des dégâts sur l’environnement.
Le PIB ne reflète en rien le progrès social d’une nation.
Plus encore, c’est l’incapacité du PIB à prendre en compte ce que la vie humaine a d’inestimable qui suscite, depuis longtemps, de nombreuses critiques . En 1968, Robert Kennedy déclarait ceci « Le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. (…) Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. (…) En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ». Pourtant, l’estimation de la richesse nationale reste centrée sur la mesure de la valeur ajoutée marchande donnée par le PIB, alors que celui-ci est incapable de mesurer la richesse d’un pays et encore moins son bien-être.
D’autres indicateurs existent, mais restent secondaires
Ces dernières décennies, d’autres indicateurs sont apparus sous l’égide des Nations Unies : indice de pauvreté humaine (IPH), indice de développement humain (IDH), qui permettent de mesurer le développement humain à partir d’indicateurs comme la santé, ou encore l’éducation. Le Genuine progress indicator (GPI), quant à lui, prend en compte l’activité associative ainsi que les coûts sociaux et environnementaux. On peut également citer l’indice de bien-être économique des canadiens Lars Osberg et Andrew Sharpe . Mais ces nouveaux indicateurs sont l’objet de critiques quant à la rigueur de leur échelle de mesure. Il est vrai que le bien-être est quelque chose de difficile à « quantifier ». De plus, ces indicateurs restent d’autant plus secondaires que le premier objectif politico-économique affiché demeure la croissance économique. À quoi bon alors modifier les moyens de mesure si les fins ne changent pas ?
Cependant, la crise économique, devenue crise de société voire de civilisation, pourrait bien changer la donne. La commission Stiglitz souligne que « l’exigence de passer d’une évaluation de l’activité marchande à une évaluation du bien être se fait plus pressante ». Mais cet objectif suppose de dépasser la simple mesure du PIB, et de remettre en cause le « modèle » américain, selon lequel croissance égale progrès.