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Economie, démocratie, terrorisme… : la Tunisie face à un avenir incertain

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Depuis la révolution de 2011, la Tunisie est devenue un véritable symbole d’espoir. Mais aujourd’hui, le pays se retrouve confronté à des difficultés politiques, économiques et sécuritaires sans précédents, qui menacent sa transition démocratique.

Economie, terrorisme, démocratie, la Tunisie face à son destin
Le président tunisien face à une colère sociale sans précédent ©Flickr/ITU Pictures

Un coup de tonnerre. Chafik Sarsar, le président de l’instance électorale tunisienne (ISIE), a présenté sa démission le 9 mai dernier. En charge des premières élections municipales du pays depuis la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, Chafik Sarsar a indiqué que le fait « d’œuvrer à des élections libres et transparentes » était aujourd’hui menacé, tout en dénonçant « des tentatives d’investigation contre des fonctionnaires de l’ISIE » qui rappellent « un certain Etat policier », en référence au régime du dictateur déchu. D’après lui, des décisions anticonstitutionnelles auraient également été prises au sein de l’instance dont il avait la charge. Suite à sa démission, le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a reconnu que le processus démocratique était « menacé », mais a, dans le même temps, assuré que les élections auraient lieu à la date initialement prévue, le 17 décembre prochain.

La démission de Chafik Sarsar est particulièrement symbolique de l’état actuel de la société tunisienne à l’heure où celle-ci est traversée par une grogne sociale sans précédent depuis la chute de Ben Ali. Des milliers de manifestants s’insurgent depuis le mois de janvier contre le chômage, la pauvreté, la corruption, … Face à l’immobilisme du gouvernement, les mouvements sociaux ont pris de l’ampleur et le président tunisien a notamment été contraint de déployer des forces armées dans le sud du pays afin de protéger les sites d’exploitation de phosphate, une ressource capitale pour le pays puisqu’elle représentait environ 4% du PIB et 15% des exportations tunisiennes par le passé. Néanmoins, depuis 2011, la production a chuté d’environ 60% et le 5e producteur mondial de phosphate peine à retrouver le niveau de ses anciens taux d’extraction.

Un fort contraste entre les littoraux et le centre du pays

Le phosphate est une ressource d’autant plus précieuse que le tourisme est en forte baisse depuis la révolution de 2011 et depuis que des attentats terroristes ont ensanglanté le pays en 2015. Au total, 400 000 Tunisiens dépendent directement du tourisme pour vivre et celui-ci génère 7% du PIB tunisien. Sa courbe descendante explique donc, en partie, la fragilisation de l’économie tunisienne. Aussi, celle-ci ne s’est que peu diversifiée au fil des ans. Un manque de vision à long terme qui menace aujourd’hui la transition démocratique tunisienne. Ainsi, au premier semestre 2017, la Tunisie a recensé plus de 625 000 chômeurs pour 4,07 millions d’actifs, avec un taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur s’élevant à 31,2%.

Dans les hauts lieux de la contestation populaire, à Tataouine (sud), à Kairouan (centre) et à Kef (nord-ouest), les manifestants reprochent également au président tunisien son projet de « réconciliation » qui vise à amnistier, sous certaines conditions, toute personne impliquée dans des affaires de corruption sous l’ancien régime de Ben Ali. Ces trois villes, où la gronde est croissante, sont particulièrement représentatives des écarts de richesse entre les littoraux, développés, et le centre du pays, livré à lui-même et en proie à des difficultés économiques plus marquées.

Des enjeux sécuritaires présents et à venir

Par ailleurs, la Tunisie fait face à des défis sécuritaires inédits. Constituant l’un des plus importants contingents de djihadistes au monde avec, selon l’ONU, plus de 5 500 ressortissants ayant rejoint des organisations terroristes en Syrie, en Irak ou encore dans la Libye voisine, la Tunisie sera tôt ou tard confronté à la problématique de leurs retours. Des retours qui pourrait s’avérer d’autant plus difficile à gérer que la Tunisie peine déjà à déloger les groupes djihadistes du mont Chaambi, près de la frontière algérienne, où plusieurs dizaines de membres des forces de l’ordre ont été tués depuis 2012.

La Tunisie se heurte donc aujourd’hui à enjeux politiques, économiques et sécuritaires majeurs. Toutefois, le pays peut capitaliser sur des ressources humaines non-négligeables. Avec un très haut niveau de formation et d’éducation, les élites tunisiennes figurent parmi les plus diplômées du monde arabe. Par ailleurs, le PIB a enregistré au premier trimestre 2017 une croissance de 2,1% par rapport au même trimestre de l’année 2016. Une reprise timide et fragile de la croissance qui, selon la Banque mondiale, pourrait atteindre 2,3% en 2017 alors qu’en 2016, elle était seulement de 1%.

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