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Crise au Cameroun anglophone : l’échec du Grand Dialogue National ?

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Le 30 septembre dernier, Paul Biya, président du Cameroun, convoquait le Grand Dialogue National à Yaoundé. L’objectif était d’examiner les moyens de mettre fin au conflit qui sévit depuis fin 2016 dans les régions anglophones du pays. Toutefois, plus d’un mois après, de nombreuses interrogations subsistent quant à sa réelle efficacité.

francophones et anglophones au Cameroun
Répartition schématique des francophones et anglophones au Cameroun

Le Cameroun anglophone : d’une crise sociétale à un conflit séparatiste

Le Cameroun anglophone est miné par les violences depuis plusieurs années. La minorité anglophone, qui représente 20% de la population camerounaise, est majoritairement située dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Depuis la fin de la prévalence du fédéralisme en 1972, ces deux régions s’estiment lésées et discriminées par rapport au Cameroun francophone.

Face à cette marginalisation, les avocats et les enseignants conduisent une grève en 2016. Leurs revendications corporatistes ont pour but de réaffirmer le respect de l’anglais comme langue officielle, au même titre que le français. Le pouvoir camerounais ne va pas prendre en compte ces protestations et va y répondre par la force.

La situation va très rapidement s’envenimer. Le 1er octobre 2017, des séparatistes anglophones déclarent l’indépendance de la République d’Ambazonie sur le territoire de l’ancien Cameroun britannique. La répression institutionnalisée par le gouvernement camerounais va radicaliser le mouvement sécessionniste, faisant évoluer la situation en un véritable conflit armé. Les affrontements et attentats vont se multiplier et vont devenir de plus de plus intenses. En trois ans, le conflit entre les séparatistes et le gouvernement a causé plus de 3 000 morts, près de 500 000 déplacés et 40 000 réfugiés.

La nécessité d’un premier pas vers l’apaisement

Plusieurs pays vont s’inquiéter de cette situation et pointer la répression violente du doigt. Le 19 avril 2019, une résolution du Parlement européen va dénoncer « les meurtres commis par des groupes armés et les exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de l’État, notamment des soldats camerounais, des gendarmes et des membres du bataillon d’intervention rapide ». De même, le Congrès américain somme les parties au conflit à dialoguer sans conditions préalables dans sa résolution 358 du 7 mai 2019.

Sous la pression internationale et devant l’urgence de la situation, le président camerounais Paul Biya décide de convoquer un Grand Dialogue National entre le 30 septembre et le 4 octobre 2019. Selon lui, « ce dialogue nous permettra d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du nord-ouest et du sud-ouest ».

Plusieurs motifs d’apaisement sont à signaler après le Grand Dialogue. Maurice Kanto, principal opposant au président Paul Biya, a été libéré le 5 octobre. Il était incarcéré depuis janvier 2019 pour s’être opposé aux résultats des présidentielles d’octobre 2018. De même, 333 personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophone ont également été libérées. Par ailleurs, un statut spécial pour les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a été adopté à l’issue du dialogue. Celui-ci accorderait une autonomie financière plus importante à ces régions et la possibilité d’élire leurs gouvernements locaux. Il rétablirait aussi une chambre des chefs traditionnelle.

Une opération de communication du président Biya ?

Néanmoins, plusieurs observateurs estiment que le Grand Dialogue National est un échec qui avait pour seul but de servir la communication du président Biya. Pour le politologue Mathias Eric Owona Nguini, « il est clair que le président Paul Biya est le maître du jeu ». Concernant la libération de Maurice Kanto, il estime qu’« il s’agissait de tirer un bénéfice de cette libération pour manifester la volonté d’apaisement du pouvoir ».

Plusieurs leaders de l’opposition politique ont ainsi fait le choix de quitter le Grand Dialogue, le qualifiant de « comédie ». De même, les leaders séparatistes ont refusé d’y participer. Plusieurs questions essentielles ont en effet été balayées dès le départ. Paul Biya évince le fédéralisme, puisqu’il estime que « le Cameroun restera un et indivisible ». De plus, il n’y avait pas de médiateur neutre puisque c’est le Premier ministre qui choisissait qui avait la parole. Sur 400 participants, seulement 10 ont pu exprimer leur avis. Edith Kah Wallah, leader du Cameroon People’s Party, constate que « le contenu du dialogue n’a pas été négocié, il a été imposé par le régime ».

Malgré les interrogations quant à sa réussite effective, il semblerait que Paul Biya ait atteint son objectif. Le politologue Pierre Nka constate en effet que « le président est redevenu fréquentable. […] En termes d’images, le président de la République a réussi à se repositionner sur la scène internationale ».

La résurgence des violences au Cameroun anglophone témoigne de l’échec du Grand Dialogue. L’inflexibilité du gouvernement camerounais et des séparatistes sur la question du fédéralisme laisse d’ailleurs craindre que la situation empire.

Sources :

– « Au Cameroun, Paul Biya ordonne la libération de 333 détenus liés à la crise anglophone », Le Monde, 2019. URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/04/au-cameroun-paul-biya-ordonne-la-liberation-de-333-detenus-lies-a-la-crise-anglophone_6014184_3212.html

– FOTSO Henri, « Au Cameroun, le dialogue national ne convainc pas tout le monde », Deutsche Welle, 2019. URL : https://www.dw.com/fr/au-cameroun-le-dialogue-national-ne-convainc-pas-tout-le-monde/a-50720859

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Xavier BERNAUD

Etudiant en défense, sécurité et gestion à l'IRIS SUP', spécialisé sur les problématiques de sécurité internationale liées à la région du Moyen-Orient.

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