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Trump et l’Ukraine : un plan de paix sous conditions

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Alors que la guerre en Ukraine entre dans sa quatrième année, l’arrivée de Donald J. Trump à la Maison-Blanche a relancé le débat sur une possible issue diplomatique. L’ancien président américain, revenu au pouvoir en 2025, a présenté un plan de paix en 28 puis 19 points. Il a rapidement été largement commenté et controversé. S’il se présente comme une proposition pour « mettre fin immédiatement au bain de sang », ce plan traduit surtout une vision transactionnelle du conflit, mêlant redéfinition des frontières et restructuration économique.

Le prix de la paix selon Washington

Plan Trump, paix acceptable ?
Plan Trump, paix acceptable ?

Le cœur de la proposition repose sur un cessez-le-feu immédiat fondé sur un gel des lignes de front, mesure déjà proposée lors de la campagne présidentielle de D. Trump en 2022, ce qui reviendrait à reconnaître de facto le contrôle russe sur la Crimée ainsi qu’une grande partie du Donbass.

La paix, selon l’Ukraine, la contraint d’accepter des concessions territoriales majeures, ce à quoi elle se refuse pour le moment. La prise de parole du président V. Zelenski, lors dune conférence de presse en ligne, en témoigne: « Envisageons-nous de céder des territoires ? Nous n’avons aucun droit légal de le faire, en vertu de la loi ukrainienne, de notre Constitution, et du droit international. Et nous n’avons aucun droit moral non plus ».

Sur le plan militaire, le pays devrait s’en tenir à une neutralité militaire permanente. Cela inclurait une renonciation officielle à toute adhésion future à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). L’armée ukrainienne serait, en outre, réduite à un format strictement défensif. Cette mesure limiterait donc sa capacité à réagir en cas de nouvelle agression.

Une adhésion conditionnelle du Kremlin

Si les dirigeants américains affirment que Moscou est prêt à donner son aval à ce plan, la Russie, de son côté, nuance sa position. Elle estime en effet que ce plan pourrait servir de base à un accord de paix définitif. Cependant, elle a également réaffirmé sa volonté de poursuivre ses objectifs militaires si le plan n’accédait pas à ses requêtes.

Le plan propose également une normalisation graduelle des relations avec Moscou. Cette dernière serait introduite par la levée progressive des sanctions, la reprise des discussions sur les armements stratégiques et un retour potentiel de la Russie dans certains forums internationaux. En contrepartie, Moscou devrait s’engager à respecter une série de garanties de sécurité. Elles sont jugées insuffisantes par Kiev comme par plusieurs capitales européennes, qui y voient davantage une promesse politique qu’un mécanisme contraignant.

Entre méfiance européenne et ambitions américaines

Les réactions au plan sont d’ailleurs révélatrices. Lors de sa présentation, l’Ukraine l’a qualifié de « capitulation forcée ». De leur côté, la plupart des pays d’Europe centrale et orientale y voient un risque de déstabilisation durable. Même au sein de l’Union européenne, nombreux sont ceux qui redoutent qu’il n’installe davantage la Russie comme puissance incontournable au détriment du droit international. Ces premières contestations européennes ont permis de retirer du projet américain les points « anti-ukrainiens » les plus problématiques.

À cela s’ajoutent des mécanismes économiques donnant aux États-Unis un rôle déterminant dans la reconstruction du pays. Les actifs russes gelés seraient utilisés pour financer les infrastructures ukrainiennes via des dispositifs largement contrôlés par Washington et ses entreprises. La Banque centrale européenne, la Belgique et Euroclear (l’organisme qui détient la majorité de ses actifs) se sont prononcés contre leur utilisation directe. Pour explication, ils ont invoqué des risques juridiques majeurs et une atteinte à la crédibilité financière européenne. L’Union européenne rappelle ainsi être le détenteur légal et le décideur légitime de ces fonds. Ce volet économique, présenté comme un moyen de « stabiliser durablement la région », reflète surtout la volonté de Trump de transformer la sortie de guerre en opportunité stratégique et commerciale. Le choix du négociateur américain auprès du gouvernement russe, Steve Witkoff, promoteur immobilier, illustre également cet aspect.

Néanmoins, les Européens ne semblent pas trouver un accord entre eux sur la marche à suivre. Par exemple, la Hongrie et la Slovaquie pressent l’Union européenne de soutenir le plan de paix américain. Pour V. Orban, Premier ministre de la Hongrie, « le plan contient des éléments essentiels pour l’avenir de la sécurité en Europe ». D’autres pays encore, tels que l’Italie, s’inscrivent dans une démarche plus nuancée. Ils rappellent leur soutien à l’Ukraine sans pour autant critiquer ce nouveau projet.

Conclusion

En somme, le plan Trump dessine davantage un compromis géopolitique qu’un véritable cadre de paix durable. Fondé sur des concessions territoriales que Kiev juge inacceptables et sur des garanties de sécurité limitées, il divise profondément les Européens, incapables pour l’heure de définir une position commune face à Washington et Moscou. Faute d’un consensus européen et d’une adhésion ukrainienne, ce projet risque de rester une proposition théorique. Le plan révèle les rapports de force internationaux actuels. Les futures rencontres permettront la poursuite des négociations et finalement, peut-être, un accord.

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Agathe Mallégol

est étudiante en première année de Master relations internationales, parcours cultures stratégiques à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Spécialisée dans les études russes.

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