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Le déplacement de Tsai Ing-wen sur le continent américain provoque l’ire de la Chine

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La récente tournée diplomatique de Tsai Ing-wen du 12 au 20 août 2018 aux Etats-Unis, au Paraguay et au Belize, visait à conforter la position de l’île chez ses alliés. Pourtant, elle ne s’est pas faite sans heurts. La chaîne taïwanaise 85C, dont une franchise a été visitée par la présidente, s’est vu lourdement sanctionnée et boycottée par le République populaire de Chine (RPC) où elle est pourtant solidement implantée. En chemin pour le Belize, Tsai Ing-wen a été prise à parti par des ressortissants chinois au cri de « bonjour, chef de province ! [省长好] ». Dans le même temps, le gouvernement communiste a finalement obtenu de multiples compagnies aériennes et chaînes hôtelières qu’ils associent Taïwan à la RPC. Enfin, cerise sur le gâteau, la République du Salvador a rompu ses relations officielles avec l’île pour renouer avec la Chine continentale, portant le nombre d’ambassades taïwanaises officielles à 18.

Tsai Ing-wen lors de sa visite à Los Angeles, le 13 août 2018, répétant la phrase de feu R. Raegan: “Everything was negotiable except two things: our freedom and our future”
Tsai Ing-wen lors de sa visite à Los Angeles, le 13 août 2018, répétant la phrase de feu R. Raegan: “Everything was negotiable except two things: our freedom and our future”

Accueillie en grandes pompes en Californie, la présidente de l’îlot chinois de démocratie a obtenu du président Trump, ce 13 août 2018, le National Defence Authorisation Act, qui permettra à l’armée taïwanaise d’accroître ses achats auprès des fournisseurs américains. Cet accord, immédiatement dénoncé par le gouvernement de la RPC, est avant tout le fruit de la proximité des vues de Tsai Ing-wen et du locataire de la maison blanche à l’égard de la Chine continentale. La première désire sauvegarder le statu quo issu du consensus de 1992 conférant à Taïwan une indépendance de fait, ce qui implique de pouvoir parer une éventuelle invasion militaire lancée par le gouvernement chinois. Donald Trump quant à lui cherche à contenir la montée en puissance de la Chine, aussi bien au niveau commercial qu’au niveau militaire. Taïwan constitue une pièce maîtresse de cette stratégie : verrou de l’océan pacifique, ce pays y interdit en théorie le déploiement d’une flotte chinoise de plus en plus sûre de sa puissance.

Des incidents et des mesures de rétorsion qui indiquent une intensification de la pression chinoise sur Taïwan

Rompant avec l’ancienne maxime de la diplomatie chinoise Taoguang yanghui [韬光养晦] (faire profil bas en cultivant sa puissance), l’administration de Xi Jinping a multiplié les effets de manche à l’international. Sa diplomatie vigoureuse a déjà amputé à Taïwan de précieux alliés depuis l’investiture de Tsai Ing-wen en 2016 :  République Dominicaine, Burkina Faso, la République du Salvador… et peut-être bientôt le Vatican. Par ailleurs, la RPC sanctuarise progressivement la mer de Chine méridionale en s’y appropriant et en y militarisant des îles contestées, tout en protestant contre le droit de passage innocent des flottes militaires américaines et britanniques, afin de leur en interdire l’accès. Enfin, son aviation militaire opère régulièrement des cercles autour de l’île de Taïwan : plus d’une trentaine pour cette année 2018, effectuée par des chasseurs et des bombardiers.

Tsai Ing-wen reçoit l'ordre du Belize des mains du gouverneur général Sir Colville Young
Tsai Ing-wen reçoit l’ordre du Belize des mains du gouverneur général Sir Colville Young

Dans cette situation, il était prévisible que les visites diplomatiques de Tsai Ing-wen suscitent des réactions virulentes de la part de la RPC. Le Bureau des affaires taïwanaises situé à Pékin et officiellement en charge de l’administration de Taïwan a minutieusement suivi les déplacements de la présidente. Ainsi, après qu’une employée américaine d’une franchise 85C lui ait offert un cadeau, la chaîne de café taïwanaise dans son ensemble s’est vue boycottée sur le continent et supprimée des plateformes commerciales de RPC. Des résidents chinois d’Amérique centrale ont été diligentés pour troubler la visite de Tsai Ing-wen, en l’invectivant et en l’appelant « chef de province ». Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères chinois est parvenu à contrebalancer les déclaration du gouverneur général du Belize en arrachant, au moyen des promesses de financement, la République du Salvador à Taïwan. Enfin, en réponse à la conclusion du National Defence Authorisation Act, le ministère de la Défense décide d’organiser des exercices militaires dans le détroit de Formose. La RPC exprime ainsi toute l’ampleur de sa détermination dans des manifestations à la mesure de sa puissance nouvelle.

Une dynamique dans le sens du millénarisme du Parti communiste chinois

L'importance des symboles pour le PCC: en octobre , cérémonie d'apparat en l'honneur des 100 ans de la révolution de Sun Yat-sen.
L’importance des symboles pour le PCC: en octobre 2011, cérémonie d’apparat en l’honneur des 100 ans de la révolution de Sun Yat-sen.

Replacée dans son contexte, cette intensification des mesures chinoises à l’encontre de Taïwan participe de l’histoire profonde du Parti communiste chinois. Cette organisation politique est en recherche constante de légitimité auprès de sa population. Pour justifier son existence et assurer de son efficacité, elle s’est elle-même posé une date butoir : 2049. Cette date emblématique correspond en effet au 100ème anniversaire de sa prise de pouvoir, et doit parachever un certain nombre d’accomplissements, parmi lesquels : obtenir une armée de premier ordre, une société prospère, renouveler et mettre en valeur la culture chinoise au niveau mondial, et réunifier le pays. Ce dernier objectif suppose de placer sous contrôle définitif du parti les îles contestées de mer de Chine, Macao, Hong Kong et Taïwan. Ainsi, soumettre Taïwan apparaît comme une des conditions de la survie du régime de Pékin.

Partant, le Parti communiste chinois n’a jamais renoncé à reprendre Taïwan par la force. Toute déclaration d’indépendance de la part de l’île déclenchera une invasion militaire, au même titre que l’abandon du processus de réunification, ou encore l’échec de ce processus à l’horizon 2049. Si, en 1992, Taïwan pouvait espérer gagner la bataille politique à la faveur d’un soulèvement démocratique sur le continent, aujourd’hui cet espoir est caduque : il ne reste plus, à terme, que la résignation ou la confrontation. Par souci diplomatique, et bien que sûr de sa victoire, le PCC met tout en œuvre pour inciter la population taïwanaise à la capitulation.

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