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Bénin : après l’orage, le déluge ?

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En l’espace de quelques jours, le Bénin a fait face à une dégradation aussi fulgurante qu’inattendue de sa situation générale. Entre manœuvres politiques, élection tronquée, flambée de la violence et risque sécuritaire accru, ce pays d’Afrique de l’Ouest, à la réputation stable et érigé comme modèle de démocratie traverse une véritable période noire. Ce délitement fait craindre le pire aux observateurs et à la population pour l’avenir du pays.   

Les élections législatives béninoises d’avril 2019 au cœur de la discorde

Photo. Patrice Talon, président du Bénin
Le président béninois Patrice Talon, au cœur de la tourmente après l’éviction des partis d’opposition de l’élection législative de 2019

Le dimanche 28 avril dernier se tenait un scrutin décisif pour l’avenir du Bénin. Les électeurs du pays sont alors appelés aux urnes dans le cadre d’élections législatives aux conséquences aussi inédites qu’inquiétantes. En effet, celles-ci se déroulent dans un contexte délicat marqué par une rigidification politique du président Patrice Talon. Les résultats paraissent sans appel. Seuls le Bloc républicain et de l’Union progressiste se voient couronnés, s’emparant de la totalité des 83 sièges du Parlement. Outre le verdict, ce vote est celui de l’abstention.  La Commission électorale nationale autonome (Cena) fait en ce sens état d’une participation de 22,99%, aux antipodes des échéances précédentes mais surtout de l’image de modèle démocratique véhiculée par le pays depuis son ouverture en 1990. La consécration de ces partis uniquement, réputés proches du pouvoir, ne doit pourtant rien au hasard.

Un véritable tournant autoritaire est à l’œuvre au Bénin, impulsé par le Président Talon. Ce dernier s’est en effet consacré depuis plusieurs mois à la mise en place de leviers juridiques et institutionnels ayant abouti à un réel coup d’état électoral ce 28 avril. En juillet 2018, les autorités béninoises ont dans cette optique adopté une « loi portant charte sur les partis politiques », enjoignant les formations nationales à se conformer à de nouvelles « normes » en vue d’obtention d’un certificat. Dans la pratique, ce texte s’est surtout traduit par la possibilité pour Patrice Talon d’évincer la totalité des partis d’opposition du scrutin. Face à cela, des voix internationales se sont rapidement élevées. L’Union africaine, la CEDEAO ou encore le Nigeria ont appelé le président béninois à revenir sur cette décision, en vain. La Cour constitutionnelle du pays avalise finalement les résultats, créant l’indignation de la classe politique nationale. L’ancien président Nicéphore Soglo abonde en ce sens : « Il n’y a pas de compromis entre la dictature et la démocratie ».

De violents heurts dans un contexte post-électoral délétère

La manœuvre de Patrice Talon embrase le pays dès la sortie des urnes, engendrant une mobilisation massive des béninois. Le pays devient le théâtre de violents heurts, en proie à une situation quasi-insurrectionnelle. Dès la proclamation des résultats officiels, l’ensemble de la société civile se met en ordre de bataille, avec en tête les anciens présidents Soglo et Boni Yayi pour faire entendre son appel au retour de la démocratie. Lors d’une manifestation à Cotonou, ces derniers ainsi que les manifestants sont visés par les gaz lacrymogène de la police béninoise dans un contexte de violence extrême. Les autorités affichent d’emblée une posture répressive, avec le déploiement de l’armée dans la rue, faisant craindre le pire pour le pays. Sacca Lafia, ministre de l’intérieur déclare ainsi : « Depuis quelques semaines, des citoyens promettent de brûler tout. Je vais vous dire ceci : ceux qui promettent de tout brûler seront brûlés les premiers. Ceux qui promettent de tout casser auront des fractures multiples ».

Le Bénin est sans conteste au cœur d’une crise significative. Les communiqués officiels ont pour l’instant vaguement fait état d’un chiffre allant de deux à sept morts en marge de ces heurts. Plusieurs risques immédiats semblent se dessiner pour ce pays pourtant réputé stable et pacifique depuis une trentaine d’années. Pour l’économiste Gilles Olakounlé Yabi, la situation au Bénin pourrait à très court terme aboutir à un déchirement socio-politique profond ainsi qu’à une irrévocable rupture de l’unité béninoise. Les graines de la discorde commencent à prendre racine dans le pays, avec une mise à mal certaine des libertés et un régime autoritaire qui commence à pleinement s’assumer. En cela, le spectre de la guerre civile se fait de plus en plus menaçant.

L’insécurité florissante au Bénin et alentours

En ce qui concerne l’étranger proche du pays, la situation n’incite pas non plus à l’optimisme. Le Bénin a récemment défrayé la chronique internationale du fait de l’enlèvement de deux touristes français au nord du pays. Cela vint ponctuer encore un peu plus cette semaine noire, ajoutant à la crise un volet sécuritaire. Pour rappel, les autorités ont fait état le 3 mai de la disparition de deux ressortissants français et de l’assassinat de leur chauffeur dans le parc national de la Pendjari. Rapidement, la thèse de l’enlèvement par des groupes armés basés au Burkina Faso est accréditée. La prise d’otage connait son dénouement le 10 mai, dans le cadre d’une opération de sauvetage conduite par le commando Hubert se soldant par la libération de quatre otages mais également le décès de deux militaires. Ce bilan lourd confère par effet collatéral au Bénin une image de zone à risque.

Cet évènement contribue à enfoncer un peu plus le pays dans la tourmente. En effet, en plus d’une image largement écornée, cet enlèvement est venu corroborer les craintes de propagation du risque terroriste. Par effet de contagion, le Burkina Faso faisait craindre depuis plusieurs mois une expansion aux États littoraux. Le cas du parc de la Pendjari s’inscrit en cela comme la première attaque terroriste recensée sur le territoire béninois. Dans un contexte déjà très préoccupant politiquement, cette attaque soulève des interrogations quant au futur proche du pays. L’instabilité post-électorale, et sa possible pérennisation font redouter le pire. Cette situation est des plus propices à l’établissement d’un terreau fertile pour l’installation de groupes armés d’une part, mais également pour un transfert  a posteriori vers le Togo ou le Ghana. Eu égard à ces menaces, seule une réponse des communautés africaines et internationale semble dans l’immédiat être le levier pour envisager le début d’une sortie de crise.

Sources :

CHATELOT Christophe. « Au Bénin, des législatives sans opposition sonnent le recul de la démocratie ». Le Monde, 27 avril 2019

JEUNE AFRIQUE. « Burkina : les deux otages français enlevés au Bénin libérés au cours d’une opération militaire ». Jeune Afrique, 10 mai 2019

LE POINT AFRIQUE. « Bénin – Législatives : la participation au plus bas, à 22,99 % ». Le Point Afrique, 1er mai 2019

MATESO Martin. « Législatives au Bénin : « Ceux qui promettent de tout brûler seront brûlés les premiers », prévient le pouvoir ». France Info, 27 avril 2019

VIDJINGNIGNOU Fiacre. « Législatives au Bénin : les résultats définitifs proclamés sur fond de violences post-électorales ». Jeune Afrique, 3 mai 2019

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Antoine Vandevoorde

Antoine Vandevoorde est analyste en stratégie internationale, titulaire d'un Master 2 Géoéconomie et Intelligence stratégique de l'IRIS et de la Grenoble Ecole de Management depuis 2017. Ses domaines de spécialisation concernent la géopolitique du cyberespace, les relations entreprises - Etats, l'intelligence économique et l'Afrique. Il est rédacteur aux Yeux du Monde depuis mars 2019.

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