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Pourquoi exporter des armes ? 2/2

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L’année 2015 est saluée par le gouvernement pour avoir déjà marqué un record dans l’exportation d’armes. Ce dernier n’a pas hésité à communiquer sur ses chiffres positifs, mettant en avant le Ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, aussi surnommé « VRP de l’armement ». En 2014, le montant total des exportations d’armes françaises s’élevait déjà à 8.2 milliards d’euros. Pour cette année, l’exercice n’est pas encore terminé que les contrats totalisent déjà plus de 15 milliards d’euros. Face à l’emballement médiatique sur ces montants, il convient peut-être d’en revenir à une question à première vue triviale. Il s’agit ici de cerner quels sont les enjeux de l’exportation d’armements, à l’écart de toute considération morale ou éthique.

L’exportation comme instrument politique

mistral
Bâtiment de Projection et de Commandement – Classe Mistral

La signature d’un contrat d’exportation d’armements est soumise au contrôle du pouvoir central afin de vérifier que cela ne remettre pas en cause des intérêts technologiques ou stratégiques. Un contrat d’armement répond certes à un besoin stratégique qu’il faut combler, mais il est aussi en partie teinté de diplomatie. L’exportation d’armes est donc un outil pour souligner les liens forts entre deux pays partenaires. De même, un contrat d’armement est un signal politique fort envoyé sur la scène internationale. Par exemple, lorsque l’Egypte d’Al-Sissi annonce vouloir acheter des Rafales, c’est en partie pour montrer un désaccord avec l’ex-position « amicale » des Etats-Unis sous la présidence des Frères Musulmans incarné par Mohammed Morsi. De plus, la vente des deux Bâtiments de Projection et de Commandement classe Mistral à l’Egypte est aussi un signal politique envoyé par l’acheteur. Or il faut questionner les besoins du pays en matière de projection, tout simplement parce que ses principales menaces se situent au Sinaï et en Libye. Certes l’Egypte est engagée dans la coalition arabe au Yémen, mais l’achat de ces 2 navires paraît excessif en comparaison des besoins. Comment expliquer cet achat ? L’Egypte se réarme, peut-être plus que nécessaire, afin de montrer qu’elle veut reprendre à terme sa place de puissance régionale et qu’elle veut renouer avec la sécurité pour séduire ses investisseurs.

L’exportation comme impératif compensatoire

Enfin, un contrat d’armement peut aussi représenter une contrepartie à un pacte de sécurité assuré par la puissance exportatrice. C’est pour cette raison que tous les pays alliés des Etats-Unis sont généralement poussés à se tourner vers des entreprises américaines s’ils veulent se fournir en matériel militaire. Ceci explique notamment pourquoi dans le passé, les exportations d’armes françaises se sont tournées vers des régimes dictatoriaux comme la Grèce, le Portugal, ou encore l’Argentine. Fort de sa puissance hégémonique et soucieux de la maintenir, les Etats-Unis ont toujours fait des membres de l’OTAN, leur chasse-gardée pour leur clientèle. Cette stratégie de procéder d’Etat à Etat pour la vente d’armes, est appelée « Foreign Military Sales ». Elle marque la forte implication du réseau diplomatique et d’intelligence américains dans la promotion de son secteur militaro-industriel. Encore aujourd’hui peu pratiquée en France, le Ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian tente actuellement d’opérer ce virage nécessaire s’il veut accroître les parts de marché françaises dans la vente d’armes.

En définitive, les exportations d’armement constituent un élément de la politique étrangère. Ils répondent à des intérêts économiques certes, mais aussi stratégiques. Ils sont aussi chargés de force symbolique. Un pays qui exporte est un pays qui prouve un savoir-faire avec des clients qui lui accordent leur confiance. Une première exportation porte donc avec elle l’espoir d’une cascade de contrats. En ce qui concerne l’exportation d’armes françaises, celle-ci ne vise pas à concurrencer une hégémonie américano-russe inaccessible dans ce domaine. Si la France est en quête d’exportation, c’est avant tout pour préserver son autonomie stratégique.

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