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L’Algérie muscle sa politique maritime

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L’Algérie fait office de cheffe de file de la stratégie chinoise en Méditerranée occidentale

En signant le 1er avril 2018 un décret instituant une zone économique exclusive, le Président Abdelaziz Bouteflika consacre l’ambition maritime de l’Algérie. Le domaine maritime s’annonce comme un nouveau théâtre de lutte d’intérêts en Méditerranée occidentale, sur fond de progression de l’influence chinoise.

Le Décret dans le cadre de la Convention de Montego Bay

Paru au Journal officiel du 21 mars 2018, le décret présidentiel n°18-96 étend durablement la souveraineté de l’Algérie dans le respect du droit international. Il crée une zone économique exclusive (ZEE) aux larges des côtes algériennes (Article 1) ; les limites extérieures de cette zone pouvant toutefois être modifiées par des accords bilatéraux avec les Etats dont les côtes sont adjacentes ou font face (Article 2). Cette décision permet ainsi à l’Algérie d’asseoir sa souveraineté et sa juridiction conformément aux stipulations de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, notamment sa partie V. Cette partie, débutant à l’article 55 de ladite convention, fixe le régime juridique s’appliquant aux zones économiques exclusives. Instituer une ZEE revient à s’assurer l’exercice de nombreux droits souverains sur près de 370 km au-delà du littoral : exploitation du gaz offshore, pêche, création d’îles artificielles, liberté de poser des câbles et pipelines sous marins, libertés de navigation et de survol, conservation biologique et recherche scientifique … L’Algérie s’empare du droit international, celui-ci servant en l’espèce de multiplicateur de puissance. A l’inverse de ses voisins marocain, espagnol et français, l’Algérie prend tardivement cette initiative. Il était en effet devenu nécessaire de pallier le vide juridique, s’assimilant de facto à l’abandon d’une large part de souveraineté, face aux rivalités géostratégiques croissantes.

Forage offshore, développement portuaire et rivalités géostratégiques

La signature du décret intervient seulement quelques jours après l’annonce d’études d’évaluation des données sismiques pour des projets de forage offshore au large de Béjaïa et d’Oran. Selon le PDG de la compagnie nationale Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, l’ensemble des partenaires actuels de Sonatrach comme Anadarko (Etats-Unis), Total (France), Eni (Italie) et Statoil (Norvège) « sont intéressés à se joindre à Sonatrach pour pouvoir développer l’activité du forage en offshore en Algérie ». La création d’une ZEE est dès lors la condition sine qua non d’une exploitation respectant le principe de sécurité juridique afin de rassurer les investisseurs. Outre l’exploitation des hydrocarbures, le décret s’inscrit dans une ambition algérienne de développer une stratégie maritime intégrée. En effet, depuis quelques mois, les mesures vont bon train : ouverture du fret maritime aux opérateurs privés en février, début de négociations pour l’introduction d’une ligne avec l’Arabie Saoudite, contrat de 175 millions de dollars avec la China Shipbuilding Company pour la construction d’un car-ferry, coopération renforcée avec la Grèce dans le domaine maritime annoncée en avril … L’Algérie a pris conscience qu’elle souffrait d’un sous-développement chronique en matière portuaire et compte bien rattraper son retard. Le gigantesque projet de El Hamdania (daïra de Cherchell) à 80 km d’Alger a été définitivement validé par le Gouvernement en février dernier. Doté de 23 terminaux d’une capacité de traitement de près de 6,5 millions de conteneurs par an, ce complexe portuaire a pour ambition directe de concurrencer les terminaux de Tanger Med (Maroc) et d’Algeciras (Espagne). Ce projet est essentiel pour assurer la diversification de l’économie algérienne et assurer un soutien pérenne à l’export des entreprises. On constate également que la rivalité avec le Maroc se prolonge sur le front maritime, comme en témoigne deux actualités. D’une part, le port de Cherchell vise à relier par axes routiers les Etats d’Afrique de l’Ouest, cibles prioritaires de la diplomatie marocaine. D’autre part, l’appui aux ONG sahraouies pour tenter auprès la Cour de Justice de l’Union européenne d’invalider l’accord de pêche liant l’Union européenne au Royaume chérifien.

L’Algérie, cheval de Troie de la Chine en Méditerranée ?

Les sujets abordés lors du lancement de l’association MEDports le 7 et 8 février à Marseille sont particulièrement révélateurs de la place centrale qu’occupe à présent la Chine dans l’espace méditerranéen. Plus de 150 personnes, experts et acteurs du transport maritime international et près de 30 autorités portuaires, ont pu discuter du Maghreb comme porte d’entrée commerciale du continent africain, et de la vision chinoise des nouvelles routes de la soie. L’Algérie fait ainsi office de cheffe de file de la stratégie chinoise en Méditerranée de l’ouest avec près de 900 entreprises chinoises présentes sur son territoire, et une rafle dans l’attribution des marchés, en particulier dans le secteur du BTP. Si le dirigisme économique et le passé tiers mondiste des deux pays peuvent expliquer en partie la “préférence algérienne” de Pékin, l’accord stratégique s’articule principalement autour de 3 axes : l’approvisionnement en matières premières, la recherche du soutien politique des pays africains dans les instances internationales, et l’accès aux marchés africains comme nouveaux débouchés pour la production chinoise. C’est donc sans surprise que l’on apprend que le port de El Hamdania sera possédé à 49 % par deux entreprises chinoises (China Harbour Engineering et China State Construction Engineering) ! Un consortium de banques chinoises financera ce projet estimé à près de 3,3 milliards de dollars, en contrepartie d’une concession. Le 3 mars, à l’occasion du 60ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, l’ambassadeur chinois à Alger Yuang Guangyu a d’ailleurs annoncé qu’un accord entérinant la participation de l’Algérie dans la Belt and Road Initiative sera signé très prochainement.

Publication par l’Algérie des coordonnées de sa ZEE : « pas de chevauchement avec la ZEE française en Méditerranée » annonce le secrétariat général de la mer
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Yannis BOUSTANI

Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, mention Droit économique spécialité Droit public économique. — — — Quis custodiet ipsos custodes ?

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