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La guerre des métaux rares – Guillaume Pitron – Fiche de lecture

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Dans son premier ouvrage, paru en 2018, le journaliste du Monde Diplomatique Guillaume Pitron dévoile la « face cachée de la transition énergétique et numérique ». Il y passe au crible le « green capitalism », synthèse salutaire pour le capitalisme résilient entre les révolutions numérique et écologique. Celui ci repose entièrement sur l’utilisation des métaux rares, nouvelles sources d’énergie de la troisième révolution industrielle. Or leur cycle de vie, de l’extraction au recyclage, recouvre des enjeux écologiques, économiques et géopolitiques. Guillaume Pitron les décrypte à la lumière des ses enquêtes de terrains afin de mettre en lumière les coulisses d’une « guerre des métaux rares » appelée à rythmer le XXIe siècle.

Définition des métaux rares

L’auteur constate tout d’abord que les nombreux métaux rares (littéralement ceux se trouvant en quantité limitée dans la nature en comparaison de l’abondance du fer, du cuivre ou de l’aluminium…) partagent tous des points communs. Ils sont de fait géologiquement associés aux métaux abondants dans d’infimes proportions. Leur rareté implique un prix très élevé et une très faible production. Enfin, ils sont essentiels au capitalisme vert, puisqu’ils limitent l’empreinte carbone des produits qu’ils alimentent. En effet, leur propriétés magnétiques permettent de générer du mouvement via leur champ électromagnétique sans combustion ! Dès lors, ces « super-aimants » miniatures ne produisent aucun gaz à effet de serre, et génèrent une électricité propre. De même, leurs propriétés physiques et chimiques sont utilisées par de multiples  technologies vertes. Par conséquent, leur exploitation est en plein essor, et ils sont perçus comme « source, arène et enjeu de la puissance ».

Une arme au service de la Chine pour passer d’atelier à laboratoire de conception

Deng Xiaoping aurait en effet déclaré : « Le Moyen-Orient a le pétrole, la Chine a les terres rares ». Elles ont ainsi constitué le pilier d’une politique de remontées des filières. Le gouvernement a tout d’abord ouvert de nombreuses mines grâce aux immenses réserves du territoire chinois. Il a ensuite contraint les entreprises étrangères qui importaient les minerais à s’installer en Chine via des « joint ventures » en limitant notamment les quotas d’exportations des métaux rares. Une fois les transferts de technologies obtenus, les entreprises chinoises ont fait de la « co-innovation » ou de la « ré-innovation ». Elles ont ensuite été concentrées par le biais de fusions-acquisitions, afin de devenir dominante sur le marché. La ville de Baotou, en Mongolie intérieure, illustre le rôle crucial donné aux métaux rares par la Chine aujourd’hui. Surnommée « la Silicon Valley des terres rares », cette Zone Economique Spéciale abrite ainsi toute la filière entièrement intégrée et souveraine que la Chine a bâti autour de ses terres rares, des mines d’extraction aux usines ultra modernes, en passant par les laboratoires des grands groupes et des start-ups.

La guerre des métaux rares

Carte des principaux producteurs de minerais rares (source AEGE)

Dès lors, l’hégémonie chinoise sur les métaux précieux est une arme géopolitique cruciale. Si l’OPEP concentre 41% de la production mondiale de pétrole, la Chine dispose de jusqu’à 99% de nombreux métaux rares ! Par conséquent, elle a pu déstabiliser l’économie high-tech japonaise, très dépendante de ses minerais rares, en décrétant le premier embargo sur les métaux rares en 2010  lors de la première crise autour des iles Senkaku. De fait, un nationalisme minier a émergé en crispation, à l’image des quotas instaurés sur l’exportation des métaux précieux par le gouvernement indonésien. De plus, l’auteur souligne la fin proche des derniers sanctuaires miniers, tels que l’Arctique ou l’espace, voués à devenir des théâtres de la guerre des métaux rares.

Le coût écologique

Toutefois, Guillaume Pitron revient en chiffres sur l’empreinte écologique du cycle de vie des métaux rares. Leur processus d’extraction occasionne une forte pollution des sols et des fleuves, et requiert d’importantes quantités d’énergie. Son impact environnemental transforme de plus les environs des mines en « villages du cancer ».  En outre, l’auteur souligne la déception des espoirs de recyclage. De fait, le rêve de l’économie circulaire est encore loin d’être atteint. Cependant, l’importance des métaux rares engage une géopolitique du recyclage.

Ainsi, Guillaume Pitron décortique un paradoxe sous-jacent à la géopolitique des métaux rares. Si la Chine est en position hégémonique, les autres pays se doivent de lancer leur propres productions concurrentes. Or, le processus nécessite un lourd tribu écologique, peu compatible avec la nouvelle universalité qu’est la lutte contre le réchauffement climatique. Cet ouvrage passionnant permet de comprendre la révolution géopolitique qui accompagne une transition numérique et écologique contrastée.

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