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Affaire Khashoggi : quels impacts pour l’Arabie Saoudite ?

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Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi aurait été assassiné par Riyad. Les sanctions internationales et économiques ne se font pas attendre
Le rédacteur saoudien Jamal Khashoggi a disparu depuis le 2 octobre 2018 alors qu’il se rendait au consulat saoudien d’Istanbul.

Le journaliste Jamal Khashoggi, dont on était sans nouvelles depuis son entrée au consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre dernier, y aurait été assassiné, selon plusieurs sources turques. Critique du Royaume et exilé aux États-Unis depuis 2017, il s’était rendu au consulat pour y effectuer des démarches administratives. D’après les premiers éléments de l’enquête, il aurait été torturé, puis démembré sur place par une équipe saoudienne dépêchée par Riyad ayant fait l’aller-retour dans la journée en jet. Cette dernière aurait été composée de proches du prince héritier Ben Salman ainsi que de personnalités issues de l’armée et de la sécurité du Royaume, laissant supposer la préméditation de la disparition du journaliste. Riyad a finalement reconnu que le journaliste avait succombé à ses blessures après une rixe au consulat. 

La diplomatie américaine : entre défense des droits de l’Homme et dépendance économique

Dès le début de l’affaire, les démocraties occidentales n’ont pas tardé à réagir avec inquiétude au sort réservé au journaliste, et la prise d’ampleur de l’affaire a notamment mis à l’épreuve la diplomatie américaine. Après s’être désintéressés de la question, compte tenu du fait que Jamal Khashoggi n’était pas un citoyen américain, les États-Unis ont finalement demandé à Riyad de mener une enquête et ont menacé de suspendre de colossaux contrats militaires en cas d’assassinat avéré. Cet avertissement a eu pour effet d’enclencher une escalade de menaces entre la pétromonarchie et Washington, jusqu’à ce que Mike Pompeo décide de rencontrer le prince héritier et de botter en touche. Ainsi, par le biais de son émissaire présent sur place, Trump a réaffirmé sa confiance en Riyad et la nécessité de respecter la présomption d’innocence, rappelant l’affaire du juge Kavanaugh. Ces revirements successifs sont liés au partenariat économique entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis, basé notamment sur des contrats d’armement.

Un double jeu turc ?

Le président turc Erdogan s’est également exprimé et a demandé au royaume saoudien de fournir les preuves de la version qu’ils avançaient, selon laquelle Khashoggi serait ressorti librement du consulat. La Turquie est compétente pour mener l’enquête compte tenu du déroulement de l’affaire sur son territoire et elle prend son rôle très au sérieux. Le pays saisit d’ailleurs une double opportunité : celle de redorer son image auprès des occidentaux, en s’engageant à faire la lumière sur une affaire mêlant liberté d’expression et respect des droits de l’Homme, tout en gardant une certaine position de force sur Riyad. En même temps, il s’agit ici de ne pas trop froisser la pétromonarchie. En effet, la situation économique de la Turquie est actuellement dégradée et Erdogan a tout intérêt à ménager ses relations avec l’Arabie Saoudite. Cette dernière pourrait endosser le rôle de créancière au moment où les investisseurs étrangers délaissent la Turquie.

Une image internationale de l’Arabie Saoudite dégradée et des conséquences économiques immédiates

L’image honorable que le royaume wahhabite tente depuis plusieurs années de se construire, en dépit des lois déniant les droits de l’Homme et des mises à mort récurrentes d’individus, est écornée par cette affaire qui prend une tournure internationale. Après une phase de déni, le Royaume tente une sortie de crise en évoquant un interrogatoire qui aurait mal tourné. Aussi, bien que le prince héritier Ben Salman ait prévenu que toute sanction économique prise à l’encontre de l’Arabie Saoudite entrainerait une riposte, de nombreux dirigeants d’entreprises et représentants de délégations ont reporté ou annulé leur voyage pour Riyad.     En effet, doit se tenir du 23 au 26 octobre prochain la conférence du fond souverain de Ryad (aussi appelée « Davos du désert ») en présence de nombreux dirigeants d’entreprises et de banques occidentales, avec pour objectif la promotion des projets pharaoniques de modernisation du Royaume. La suspicion de l’implication du royaume Saoudien dans la disparition de Jamal Khashoggi fait planner le risque d’une remise en question de nombreux contrats commerciaux avec des partenaires occidentaux. D’ailleurs, certaines entreprises dans lesquelles Mohammed Ben Salman avait investi en subissent déjà les conséquences de plein fouet, avec une chute du prix de leurs actions, comme c’est notamment le cas pour SoftBank. D’autres entreprises comme Siemens, qui ont pour le moment choisi de maintenir leur présence au forum, s’inquiètent d’ores et déjà pour leur image. l’Arabie saoudite après avoir reconnu la mort du journaliste, a annoncé que de hauts fonctionnaires du renseignement saoudien étaient limogés.

Dans cette affaire de droits de l’Homme, les relations diplomatiques et la réalité économique devraient l’emporter et pousser les protagonistes à résoudre rapidement le cas Khashoggi, dans lequel le Royaume saoudien est le suspect numéro un aux yeux des démocraties et des opinions publiques occidentales.

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Eléonore Motel

Eléonore est étudiante en master 2 à Sciences Po Lille. Ses thèmes de prédilection sont l'intelligence économique, les problématiques de défense, de sécurité et d'innovation

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