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Soudan du Sud : quand la famine frappe à la porte

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 En février dernier, l’ONU déclare officiellement l’état de famine au Soudan du Sud. Et ceci n’est en rien dû au hasard : le pays est marqué depuis quatre ans par une guerre civile opposant les troupes du président Salva Kiir aux partisans de l’ancien vice-président Riek Machar.

La famine pourrait toucher plus de 100 000 Sud-Soudanais

Les chiffres parlent d’eux mêmes. Au Soudan du Sud, on estime que 5 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, et 100 000 Sud-Soudanais sont directement concernés par la famine. Les causes sont nombreuses. La sécheresse qui sévit depuis des années dans cette région est une des principales explications, mais elle est loin d’être la seule. En effet, la guerre civile qui fait rage depuis quatre ans dans le pays le plus jeune du monde (indépendance en juillet 2011) a largement contribué à l’appauvrir et à priver ses habitants des biens les plus élémentaires. Les tensions avec le voisin du Nord, le Soudan sont aussi un élément déstabilisateur important.
Aujourd’hui on estime que 1,7 millions de personnes ont fui le pays, qui compte 1,9 millions de déplacés internes.

Pourquoi cette guerre ?

De vieilles rivalités refont surface en juillet 2013 lorsque le président Salva Kiir limoge son vice-président Riek Machar, avant de l’accuser en décembre de la même année, de tentative de coup d’état. Il n’en faut pas plus aux deux camps pour déclencher une guerre civile qui n’a toujours pas été résolue à ce jour malgré les nombreuses tentatives de cessez le feu.

Cette guerre nourrit par ailleurs les conflits ethniques dans le pays. En effet, le président M. Kiir, de l’ethnie Dinka basée dans la capitale Juba, fait monter les tensions contre l’ethnie Nuer de l’ex vice-président Riek Machar. Ainsi, un rapport de l’Union africaine paru en 2015, parlait déjà de nettoyage ethnique dans certaines régions. Le rapport faisait également état de « viols collectifs, massacres de masse, charniers et cannibalisme forcé ». D’autres ethnies, comme les Shilluk au Nord, se sont également ralliées à la bataille en rejoignant les forces rebelles. On compte au total 62 groupes ethniques autochtones au Soudan du Sud.

Il est toutefois nécessaire de rester prudent quant à l’évocation du terme de « conflit ethnique ». S’il est vrai que les multiples ethnies correspondent bien aux camps opposés, ce sont les élites de partis qui ont attisé les différends communautaires dans le but de légitimer la guerre et surtout de conforter leur pouvoir. Une nouvelle division régionale, basée sur des critères ethniques, a d’ailleurs été mise en place en octobre 2015.

Ces affrontements ethnico-régionaux ont également été instrumentalisés par le Soudan, où les tensions avec Khartoum sont toujours d’actualité. Juba a en effet besoin des oléoducs de son voisin du Nord pour importer son pétrole, qui représente 95% des revenus du pays. Ceci crée des tensions entre les deux pays car le Soudan est accusé de soutenir Riek Machar pour ainsi affaiblir le pouvoir central.

Entre une sécheresse alarmante, une guerre qui a fait plus de 300 000 victimes (estimations mai 2016), ou encore des tensions larvées avec le Soudan, ces différentes causes peuvent en partie expliquer la famine qui sévit actuellement au Soudan du Sud.

Désintérêt de la communauté internationale

Pour l’instant la région d’Unité au Nord est la principale zone touchée par la famine, mais elle pourrait bien s’étendre davantage si la communauté internationale ne se mobilise pas davantage. Et les blocages du gouvernement sud-soudanais, qui a décidé de multiplier par cent le permis de séjour des travailleurs étrangers (les faisant ainsi passer de 100 à 10 000 dollars!) n’aide pas à favoriser l’aide humanitaire dans le pays.

Les États-Unis ont été les principaux maîtres d’œuvres pour l’indépendance du Soudan du Sud en 2011. En effet, le Sud possède les principales réserves pétrolières comparé au Soudan, au nord. Washington était plus rassuré de voir ce pétrole aux mains d’un gouvernement chrétien (60% de la population est chrétienne et 32% est animiste), plutôt qu’aux mains d’un Omar el-Béchir, le président soudanais, qui a souvent adopté des positions hostiles aux Américains.

Ces dernières années, les États-Unis semblent toutefois se désintéresser de ce conflit, et ne veulent plus en assumer les conséquences. La communauté internationale et une grande partie du monde médiatique se détournent de ce conflit, ce qui explique en partie la difficulté pour les ONG de lever des fonds financiers nécessaires.

Cependant, de l’autre côté de la planète, un autre géant paraît beaucoup plus soucieux du sort du Soudan du Sud : c’est la Chine. Pékin a investi plus de 12 milliards de dollars dans le pays, et 5% du pétrole qu’importe la Chine provient du Soudan du Sud. C’est notamment pour cette raison que 700 casques bleus chinois (sur 14 000 au total) sont présents dans le cadre de la MINUSS, la mission de l’ONU pour la paix au Soudan du Sud.

Le Soudan du Sud n’est cependant pas le seul pays menacé par la famine aujourd’hui. Le Yémen, la Somalie, et l’État de Borno au Nigeria sont également touchés. Ce sont tous des pays en proie à une instabilité politique et économique importante.

Comme on le voit dans le cas précis du Soudan du Sud, l’instabilité politique alimente les famines. Et ceci se vérifie actuellement dans plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient, comme le Yémen, l’État de Borno au Nigéria ou encore la Somalie. Dans le monde d’aujourd’hui, les famines sont toujours évitables. Elles ne sont jamais le fruit du hasard.

 

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Pablo MENGUY

Ancien étudiant en école de journalisme, aujourd'hui en master à l'Institut français de Géopolitique (IFG).

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