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Le Yémen, preuve que le Printemps Arabe peut réussir ?

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Parmi tous les pays dont les dictatures sont tombées au cours du Printemps Arabe, le Yémen était peut être celui pour lequel les analystes étaient les plus pessimistes. Et pourtant… Par sa décision de réformer en profondeur l’organisation de l’armée yéménite, le président Abdu Rabbu Mansour Hadi fait un nouveau pas en avant dans la transition démocratique.

Quand le président Hadi a démocratiquement pris la place du dictateur Saleh, la situation était catastrophique : un système d’Etat complètement désorganisé par le changement de pouvoir, une bonne moitié du territoire sous le contrôle d’Al Qaeda, une armée dont l’allégeance allait plus aux chefs tribaux qu’à l’Etat, une influence encore colossale de l’ancien dictateur Saleh sur le pays… Une tache presque impossible.

Et pourtant, avec l’appui savamment dosé des Etats Unis (tout arrive), le gouvernement a repris le contrôle du pays et presque gagné sa guerre contre Al Qaeda. Une victoire qui a permis au président Hadi d’assoir sa fragile légitimité : trop proche de l’ancien régime pour les révolutionnaires, usurpateur pour les soutiens de Saleh, nouveau dictateur pour ceux qui pensaient que le changement de régime allait permettre une totale autonomie des régions… Par sa victoire, Hadi s’impose comme le leader légitime d’un pays unifié et éloigne son pays d’un scénario malien (coup d’état militaire sous prétexte d’incompétence martiale de l’exécutif civil).

La deuxième étape pour le président, c’est d’assurer la pérennité du nouveau régime. Pour cela, il doit tout à la fois s’assurer de l’efficacité de l’armée (la menace islamiste n’étant jamais loin), éloigner les partisans d’un retour de Saleh et garantir le pays contre un coup d’Etat militaire ou contre une sécession.

Ce sont ces quatre objectifs que M. Hadi cherche à atteindre par sa réforme de l’armée.

Par la centralisation du commandement, évidence organisationnelle pour nous, il augmente l’efficacité de l’outil militaire et court-circuite le risque de sécession, les régiments n’étant plus attachés à la région d’origine des soldats qui les composent.

Par la réorganisation de l’armée en 5 branches distinctes et sous un contrôle accru des autorités civiles, il empêche (en théorie) un général ambitieux de prendre la main sur les militaires et de renverser le régime.

Par le limogeage de nombreux hauts gradés proches de Saleh (dont son neveu et son fils), il réduit considérablement le danger d’un retour du vieux dictateur.

Une réforme hautement positive donc. Si les défis restent immenses (pauvreté, importance des trafics de drogue, faiblesse de l’Etat, fragilité du régime, tendances régionalistes et sécessionnistes), et, il faut bien le dire, presque insurmontables (pour rester optimiste), le Yémen semble au moins sur la bonne voie.

Espérons tout de même que le président Hadi n’aie pas l’idée d’utiliser la « nouvelle » armée à des fins politiques. Cette dernière doit uniquement servir à garantir la sécurité du pays (la tache est déjà grande). Si l’armée est détournée de cette unique fin, tout le fragile édifice démocratique et unitaire s’effondrera.

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