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Réélection d’Evo Morales : où en est la Bolivie ?

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Réélu à plus de 60% des voix, Evo Morales accède à son troisième mandat présidentiel
Réélu à plus de 60% des voix, Evo Morales accède à son troisième mandat présidentiel

Pour la troisième fois consécutive, Evo Morales a été élu, dès le premier tour, à la tête de la Bolivie avec 61% des voix le 12 octobre dernier. Fort d’une grande popularité, il a également élargi sa base électorale en réalisant des scores importants dans des zones traditionnellement acquises à l’opposition tels que les départements de Media Luna ou Santa Cruz. A cette victoire présidentielle s’ajoute une large victoire législative. Le Président dispose en effet d’une majorité absolue au Parlement avec 82 sur 130 députés et 25 sur 36 sénateurs.

Réélu pour cinq ans il va devoir maintenir son cap économique et social. Depuis son arrivée au pouvoir en 2005, le premier président syndicaliste et indigène du pays, a en effet mis en œuvre un modèle dit « extractiviste » fondé sur l’exploitation et l’exportation des nombreuses matières premières dont dispose le pays (minerais, lithium, gaz naturel, pétrole). Cela permet une insertion du pays, le plus pauvre d’Amérique latine, dans le jeu de la mondialisation ainsi qu’une meilleure redistribution des richesses. Cela a permis la sortie d’un million de Boliviens de la pauvreté depuis 2005 : le taux d’extrême pauvreté est passé de 38 à 21% en 2012. Des programmes d’accès à l’éducation et aux soins ont également permis d’améliorer la qualité de vie des habitants. Le Président Morales jouit de plus d’une grande popularité du fait de la politique d’inclusion qui a su mener : les populations indiennes qui représentent 50% de la population et ont longtemps été marginalisées et écartées de la vie politique ont ainsi acquis de nouveaux droits. L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales a également permis une stabilisation démocratique dans un pays sujet à une instabilité gouvernementale depuis son indépendance en 1825.

Un troisième mandat pour quoi faire ?

Un des principaux défis qui se pose à Evo Morales pour ce nouveau mandat est celui de la diversification de l’économie du pays. En huit ans le PIB du pays a été multiplié par 3 et si la croissance est en 2014 de 5,5% de croissance du PIB, elle repose essentiellement sur les ressources naturelles qui depuis leur nationalisation en 2007 ont rapporté plus de 30 milliards de dollars à l’Etat. La politique de gestion des ressources a récemment fait l’objet d’importantes contestations de la part de l’opposition, notamment dans la région de Media Luna, mais aussi par des partisans de gauche lui reprochant les atteintes portées à l’environnement.  La révolte des indiens du Territoire indigène et du parc national Isiboro-Secure a également mis en exergue les limites de les tensions qui existent entre la stratégie de développement économique du pays et le respect des identités et de l’indigénisme au sein du pays. Ces derniers ont violemment protesté contre le projet de construction d’une route sur des terres ancestrales et ont contraint le gouvernement à reculer. La corruption et la trop grande soumission du pouvoir judiciaire à l’exécutif sont de même régulièrement dénoncées.

Le contexte régional constitue enfin un enjeu important de ce troisième mandat. Le pays doit notamment poursuivre son dialogue au sein des instances telles que l’UNASUR et la CELAC afin de dépasser les conflits territoriaux qui l’opposent au Chili (Guerre du Pacifique de 1879) et obtenir un accès à la mer et aux potentialités économiques asiatiques. Toujours à l’échelle régionale, la relation avec les Etats Unis demeure tendue et la ligne anti-impérialiste constitue toujours un axe de politique extérieure, notamment défendue dans le cadre de l’ALBA, semble toujours d’actualité malgré les évolutions qu’ont connues le Venezuela et Cuba.

Si certains lui prêtent l’ambition de modifier la Constitution afin de se présenter de nouveau en 2020, ce mandat sera l’occasion pour Evo Morales de préparer sa succession afin d’assurer la consolidation des acquis démocratiques et d’éviter une trop grande personnalisation du changement à l’œuvre dans le pays depuis le début des années 2000.

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