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15ème sommet des BRICS: socle d’une nouvelle architecture multipolaire ?

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Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS) étaient réunis du 22 au 24 août 2023 à Johannesburg à l’occasion du 15ème sommet des BRICS. À l’issue de ce sommet, ces cinq États ont décidé l’élargissement des BRICS, avec six pays invités. Ainsi, l’Argentine, l’Éthiopie, l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran rejoindront donc l’organisation dès janvier 2024.

Drapeaux des États membres des BRICS lors du 15ème sommet à Johannesburg, en Afrique du Sud.
Drapeaux des États membres des BRICS lors du 15ème sommet.

Un contexte géopolitique particulier

Ce sommet se déroulait alors même que l’actualité internationale était particulièrement dense.

La guerre d’agression de la Russie en Ukraine est toujours en cours, guerre qui a vu naître des divisions entre États. Celles-ci ont commencé par le vote de la résolution du 2 mars 2022 de l’Assemblée générale des Nations Unies déplorant la violation de l’intégrité territoriale ukrainienne par la Russie. Indépendamment des condamnations et des sanctions américaines et européennes, de nombreux pays ont pris des positions individuelles. Ils montraient ainsi leur opposition à un alignement systématique sur les positions occidentales. Cela s’est matérialisé par les abstentions notables de la Chine, de l’Inde ou de l’Afrique du Sud.

Le continent africain a été marqué par deux coups d’État successifs cet été. L’un au Niger, le 26 juillet 2023 et l’autre, au Gabon, le 30 août 2023. Dans les deux pays, le pouvoir effectif s’exerce désormais par des autorités militaires. De plus, depuis avril 2023, un conflit interne a éclaté au Soudan.

En avril 2023, un rapprochement inédit et la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran se produisaient. La Chine mena les pourparlers entre ces deux puissances régionales et rivales.

Enfin, depuis son retour à la magistrature suprême au Brésil, le Président Lula da Silva a souhaité relancer une autre organisation régionale, l’Union des Nations sud-américaines (UNASUR). Celle-ci a pour but de développer l’intégration régionale et les échanges entre les pays d’Amérique du Sud.

L’absence remarquée du Président Poutine

Le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) a lancé un mandat d’arrêt international contre le Président Poutine. La CPI enquête sur des crimes de guerres présumés, dont la déportation illégale d’enfants d’Ukraine vers la Russie et le transfert illégal d’enfants de zones occupées d’Ukraine vers la Russie.

Le Président Ramaphosa et le gouvernement sud-africain se sont alors retrouvés dans une situation délicate. En effet, Pretoria et Moscou entretiennent de très bonnes relations. Durant l’apartheid, l’ancienne Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) apporta son aide au Congrès national africain (ANC). De plus, l’Afrique du Sud s’était abstenue lors du vote de la résolution de l’Organisation des Nations Unies (ONU) déplorant la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par la Russie.

Toutefois, étant État partie au Statut de Rome, l’Afrique du Sud était dans l’obligation d’arrêter et de remettre le Président Poutine à la CPI s’il venait à entrer sur le territoire sud-africain (articles 86 et suivants, Statut de Rome de la CPI).

Finalement, l’Afrique du Sud n’a pas voulu prendre de risques. La Russie a finalement été représentée par son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Il est à noter que Pretoria a déjà accueilli un ancien dirigeant sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Il s’agissait de l’ancien président soudanais, Omar el-Bechir.

Élargissement et volonté de dédollarisation

De nombreux États avaient déposé leur candidature afin d’intégrer ce groupe. Au sortir des deux jours de sommet, les BRICS ont décidé d’accueillir six nouveaux membres. Il s’agit de l’Argentine, de l’Éthiopie, de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de l’Iran. Ils rejoindront officiellement les BRICS en janvier 2024.

Avec ces nouveaux membres, les BRICS représentent environ 30% du produit intérieur brut (PIB) et 40% de la population mondiale.

Malgré l’idée ambiante d’établir une monnaie commune aux BRICS, idée véhiculée durant ce sommet, la réalité est toute autre. Il existe, avant tout, une volonté commune d’augmenter les échanges commerciaux entre les pays membres. L’accent est également mis sur la diminution des droits de douane, devant permettre de faciliter le commerce agricole au sein du bloc. La déclaration commune du 15ème sommet prévoit une meilleure coopération dans les domaines de l’énergie et du spatial. Un partenariat portant sur les questions liées au développement durable est en prévision.

Pour ce faire, les BRICS souhaitent davantage utiliser les monnaies nationales et créer des systèmes de paiements et des plateformes alternatives (Point 44, Déclaration commune). L’objectif recherché ici est d’aller progressivement vers une « dédollarisation » de leurs économies. En tant que détenteurs de bons du Trésor américain, ces pays souhaitent graduellement y renoncer et être ainsi moins dépendants des changements de politiques monétaires de la Réserve fédérale américaine.

Une convergence d’intérêts pour façonner une vision alternative des relations internationales ?

Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, était présent lors du sommet des BRICS. Il exprimait son analyse du monde actuel en ces termes : « Nous entrons dans un monde multipolaire ».

Il ajoutait que « la multipolarité sans institutions multilatérales fortes n’est pas une garantie de stabilité ». Il préconisait enfin que « les institutions multilatérales doivent être réformées afin de refléter le pouvoir et les réalités économiques d’aujourd’hui ». Il rejoint là un souhait de nombreux pays du « Sud Global » qui recommandent une réforme des institutions financières mondiales.

Les BRICS agissent à la fois comme « un porte-voix d’un monde non-occidental » et comme une coalition, et non une alliance d’États. C’est une instance représentant le « Sud Global » tout en permettant à chaque État de maintenir sa souveraineté.

Les pays des BRICS, et particulièrement l’Iran, s’accordent sur le rejet massif de la politique des sanctions déployée par les États-Unis et l’Union européenne. Toutefois, avec cet élargissement, de nouvelles difficultés apparaissent. Un nouveau modèle de gouvernance devra être trouvé. La prise de décisions par consensus est la voie privilégiée afin de démocratiser l’institution.

La convergence d’intérêts au sein des BRICS posent également question au regard des positions communes à adopter sur des politiques clés.

Conclusion

L’élargissement des BRICS présente à la fois un risque de cacophonie et une opportunité de représenter au mieux l’état du monde actuel.

Cette organisation devra faire preuve de davantage de clarté et d’une vision plus cohérente. L’efficacité dans la prise de décisions, à bientôt onze membres, pourrait se concrétiser par le biais d’un plus haut degré d’institutionnalisation de l’instance.

Ce sommet a néanmoins pour mérite de rappeler à quel point les institutions internationales requièrent un important rééquilibrage. Par exemple, la réforme du conseil de sécurité de l’ONU polarise les interventions des chefs d’État du « Sud Global ».

Les sujets rassembleurs tels que le changement climatique, le désendettement ou la transition énergétique seront la boussole de cette organisation. Afin de répondre à ces défis, une hausse des financements de la Nouvelle Banque de développement et des transferts de technologies au sein des BRICS seront indispensables.

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Cédric GOUDEAGBE

est diplômé d'un Master 2 en droit public, mention défense et sécurité. Intéressé par les relations internationales, les questions de défense et l'Afrique.

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