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Venezuela : itinéraire d’une crise

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Alors que les manifestations et les violences opposant le régime et l’opposition s’intensifient, le Venezuela occupe plus que jamais l’attention des observateurs internationaux qui redoutent que le régime ne se transforme en une dictature et que le pays ne devienne un pôle de déstabilisation régionale. Retour en 7 étapes-clés sur la chronologie d’une crise dont l’issue apparaît tout-à-fait incertaine.

« Chavez je te jure, mon vote est pour Maduro »

Avril 2013 : Élection de Nicolás Maduro, la révélation d’une fracture

Le 5 mars meurt Hugo Chávez, arrivé à la tête du Venezuela en 1999, leader de la « révolution bolivarienne » dont vont s’inspirer plusieurs dirigeants sud-américains comme Correa en Équateur ou Morales en Bolivie. Son successeur, Nicolás Maduro ne remporte les élections anticipées qu’avec 50,66% face au libéral Henrique Capriles, illustrant la fracture entre les suiveurs du régime chaviste et une partie du pays souhaitant l’alternance après 15 ans de pouvoir du Comandante.

Juillet-Août 2014 : Début de la chute des cours du pétrole

À l’été 2014 débute une baisse durable du prix du pétrole. Le marché mondial se trouve à l’époque en phase de surproduction liée, entre autres facteurs, à un ralentissement de la production industrielle chinoise et au retour de l’Iran dans les relations internationales. Le Venezuela, assis sur les plus grandes réserves mondiales de pétrole dit « conventionnel », va directement pâtir de cette conjoncture nouvelle, puisqu’il tire la quasi-totalité (90 à 95%) de ses revenus de la vente de pétrole. Ainsi, en six mois, le prix du Brent chute de moitié, passant de 100$ à 55$. Conséquence directe : le Venezuela entre en récession avec un recul de 3,9% de son PIB pour l’année 2014.

Décembre 2015 : L’opposition anti-chaviste remporte les Législatives

Inflation et revenus pétroliers au Venezuela au cours des dernières années

L’année suivante, alors que les cours du pétroles continuent de chuter (aux alentours de 40$) la récession s’aggrave à -5,9% du PIB pour le Venezuela. Le régime se retrouve fragilisé, pâtissant du manque de diversification de l’économie vénézuélienne pendant les années Chávez : de nombreux produits de première nécessité (nourriture, médicaments) commencent à manquer et l’inflation atteint des hauteurs insoutenables, autour de 200%. Les élections législatives de fin d’année offrent alors une large victoire à la Table de l’Unité Démocratique, principal mouvement d’opposition, pour la première fois depuis l’avènement du régime chaviste.

Printemps 2016 : Imbroglio autour du référendum révocatoire

Forte de son succès lors des législatives, l’opposition au gouvernement tente de surfer sur la vague d’impopularité du président Maduro, qui a déclaré un « état d’urgence économique« , pour mettre en œuvre un référendum révocatoire, mesure que Chávez avait intégrée à sa Constitution en 1999. Néanmoins, le Conseil National Électoral (CNE) rend l’exécution du référendum particulièrement difficile avec un calendrier resserré : l’opposition réunit pourtant près de deux millions de signatures, portée par l’accroissement des manifestations hostiles au gouvernement.

Juillet-Août 2016 : Crise frontalière et accroissement des tensions

Tandis que le CNE, accusé par l’opposition d’être aux ordres du régime, complique toujours la tenue d’un référendum révocatoire en donnant un calendrier d’organisation impossible à tenir, les manifestations s’accentuent, à la fois à Caracas et en province, et plusieurs responsables d’opposition sont arrêtés. En parallèle, alors que le pays a de plus en plus de mal à s’approvisionner en denrées alimentaires du fait de l’inflation, des milliers de vénézuéliens franchissent illégalement la frontière colombienne pour s’y approvisionner, occasionant des tensions diplomatiques avec Bogotá.

Janvier 2017 : Suspension du référendum

Alors que l’opposition affirme avoir obtenu toutes les garanties pour l’organisation du référendum, la CNE interrompt le processus électoral. Le pays se trouve de fait institutionnellement bloqué depuis les législatives : l’Assemblée ne vise que la destitution du président Maduro et celui-ci fait tout son possible pour mobiliser sa base militante et empêcher l’action législative de l’opposition anti-chaviste. D’autant que Maduro et d’autres voient la main de Washington derrière la déstabilisation du régime.  » Le pic de la crise économique vénézuélienne semble être atteint en 2016 avec une récession estimée à 8% du PIB. Cette crise affecte desormais la région puisque Cuba, alliée historique de Caracas dont elle dépend en terme d’importations pétrolières, entre également en récession. L’inflation atteint le chiffre absurde de 900% et le chômage dépasse dorénavant la barre des 20% : le blocage politique ainsi que la stabilité du pétrole à des prix relativement bas limitent toute reprise de l’économie locale.

Juillet 2017 : Assemblée Constituante et répression

Le premier semestre de l’année 2017 est émaillé de manifestations d’ampleur à travers l’ensemble du pays, qui sont réprimées de plus en plus violemment par les autorités : plus de 130 personnes sont décédées depuis le début de l’année. Le dialogue entre le gouvernement et l’opposition apparaît plus impossible que jamais : alors que Maduro fait élire le 30 juillet une Assemblée Constituante à sa main pour tenter de reprendre le contrôle, l’opposition effectue un contre-référendum où se rendent plusieurs millions de votants : la fracture révélée lors des élections de 2015 n’a jamais été aussi grande.

Et maintenant ?

Comme prévu, l’élection d’une Constituante n’a fait qu’exacerber les tensions, celle-ci étant accusée d’être à la main du gouvernement. Plusieurs milliers de manifestants et des membres de l’opposition ont été arrêtés, tandis que les observateurs de l’ONU se sont fait refuser l’accès au pays par les autorités et que les organisations supranationales américaines telles que l’OEA ou le MERCOSUR s’avèrent incapables de réagir. Le Venezuela a de plus perdu plusieurs alliés avec le passage à droite de nombreux gouvernements sud-américains. L’État de droit apparaît de plus en plus fragile, Maduro imposant un bras de fer : au lendemain de l’élection de la nouvelle Assemblée, la procureure générale, Luisa Ortega, fut révoquée. De plus, l’attaque perpétrée par des militaires contre une base à Valencia a mis en lumière le fait que la fracture au sein de la société vénézuélienne semblait avoir atteint l’armée. Malheureusement, la crise apparaît sans issue à court terme, les institutions s’avérant inopérantes et l’économie du pays soumise à une reprise liée à une éventuelle hausse des cours du pétrole.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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