Les Rohingyas, peuple oublié de Birmanie
On compte plus de 130 ethnies différentes en Birmanie. Parmi elles : les Rohingyas, un peuple de confession musulmane persécuté depuis des décennies sur le sol birman. Ils sont victimes d’une politique qualifiée de « nettoyage ethnique » par un pays où près de 90% de la population est bouddhiste, et leur cas suscite très peu d’émoi à l’étranger. Rejetés de toute part, privés de papiers d’identité, ils sont condamnés à prendre la route de l’exil, ou à subir les discriminations du pouvoir central.
D’où viennent les Rohingyas ?
Durant la colonisation britannique de la Birmanie, qui s’étale de 1824 à 1948, les Anglais se méfient de la majorité Bouddhiste. Ils préfèrent favoriser les minorités chrétiennes et animistes, et les placent à des postes importants. Les colons auraient aussi fait venir un grand nombre de travailleurs du Bangladesh voisin, qui représentent une main d’œuvre peu onéreuse pour la culture du riz. C’est la thèse défendue, entre autre, par le gouvernement birman actuel, qui considère donc que les Rohingyas sont des immigrés illégaux, « amis » de l’ancien colonisateur anglais. Cependant de nombreux historiens estiment que les Rohingyas sont les descendants de marchands et de soldats arabes, mongols, turcs ou bengalis installés en Birmanie depuis le XVe siècle.
En 1982, la dictature autarcique et xénophobe du Général Ne-Win, au pouvoir depuis 1962, retire la nationalité birmane aux Rohingyas. La minorité n’est donc plus reconnue comme faisant partie de la population birmane. Depuis ce jour, ils ne peuvent plus aller à l’école, toucher des aides de l’État, ils n’ont pas non plus le droit de vote. Ce sont des apatrides.
Minorité la plus persécutée au monde, selon l’ONU
En mai 2012, une bouddhiste est violée et tuée par quatre musulmans dans l’État Rakhine, où sont concentrés la quasi-totalité des Rohingyas. Cela déclenche une série de violences de la population contre la minorité musulmane, mais l’État reste silencieux devant ce massacre.
Les exactions, qui n’ont jamais cessé depuis ce jour ont cependant redoublé de violence à partir du 9 Octobre 2016. Ce jour-là, quatre Rohingyas se revendiquant du groupe Al-Yakin (« mouvement de la certitude »), proche de l’Arabie Saoudite, attaquent un poste de garde frontière et tuent neuf soldats birmans. C’est l’étincelle. Dans les semaines qui suivent, des centaines de Rohingyas sont torturés, assassinés, violés, sous les yeux du monde entier.
Le gouvernement birman parle de centaines de terroristes islamistes sur son sol qu’il faut à tout prix arrêter. Un bon moyen pour légitimer sa non-condamnation, voire son encouragement à ces exactions.
Un gouvernement silencieux
Si les Rohingyas n’ont pas souvent fait la une des journaux, ce n’est pas le cas de Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, assignée à résidence pendant quinze ans par la junte militaire, elle a largement impulsé les élections législatives de 2015.
Elle n’est pas présidente aujourd’hui, mais elle tient les rênes de son parti qui dirige la Birmanie depuis Novembre 2015. Mais la « Dame de Rangoun » reste silencieuse devant les exactions commises envers les Rohingyas. Si sa responsabilité ne doit pas être écartée, il faut tout de même relativiser son véritable pouvoir. En effet, l’armée est encore très présente en Birmanie, elle possède d’office 25% des sièges dans chacune des deux chambres du Parlement. De plus, c’est l’armée qui a eu la majorité des voix dans l’État Rakhine. Le parti de Aung San Suu Kyi n’a donc pas vraiment de force de frappe directe sur ce territoire. On peut cependant lui reprocher la non-condamnation publique de ces massacres.
Aujourd’hui des milliers de Rohyngias fuient à l’étranger. Si certains s’exilent vers l’Indonésie, la Malaisie, ou encore la Thaïlande, la majorité n’a pas d’autre choix que de se réfugier au Bangladesh. Mais cet État voisin, déjà submergé par ses migrants internes, ne voit pas d’un très bon œil les déplacés birmans. Il les considère trop proches de l’ancien occupant pakistanais et du parti d’opposition islamiste bangladais Jamaat-e-Islami.
Les Rohingyas sont donc coincés entre les deux pays sans réel échappatoire possible. Si la communauté internationale semble s’intéresser un peu plus au cas des Rohingyas depuis quelques semaines, la situation reste critique. Et rien de vraiment concret n’a été entrepris, la pression diplomatique internationale sur l’État central reste faible.
En décembre 2016, l’ONG Amnesty International déclarait « nous sommes au point de rupture ».
Cette publication est un complément de l’article publié le 22 Janvier 2017