Le Vietnam, nouvel atelier du monde ?
Depuis la fin de l’embargo de États-Unis 1994 et son intégration au commerce mondial, le Vietnam a émergé parmi la deuxième vague de pays asiatiques industrialisés, au même titre la Thaïlande ou l’Indonésie. Au point de remplacer la Chine comme nouvel « atelier du monde » ?
La guerre du Vietnam (1954-1975) face aux États-Unis et ses conséquences – destructions matérielles et dépenses d’armement notamment – a largement contribué à maintenir le pays dans un état de sous-développement jusque dans les années 1990. Le tournant du XXIe siècle a été l’occasion d’un virage économique vietnamien à partir de la politique du « renouveau » (doi moi) initiée en 1986 : il s’agit globalement d’une ouverture du pays à l’économie de marché par le Parti Communiste au pouvoir. Outre ces réformes de libéralisation, la fin de l’embargo économique américain en 1994 et l’intégration du pays à des organisations telles que l’ASEAN ou l’OMC ont permis au Vietnam de vivre un véritable décollage économique. Avec un taux de croissance annuel de son PIB à hauteur de 6,1% en moyenne depuis 1995 le Vietnam est aujourd’hui la 45ème puissance mondiale et le taux de pauvreté y est passé de 58% à 14% en moins de vingt ans.
Fort de cet élan, le Vietnam souhaite peser davantage en Asie de l’Est et poursuivre son développement en devenant une économie industrialisée, au point d’ambitionner de concurrencer la Chine, rivale historique, comme nouvel « atelier du monde ». Il faut dire que le pays met tout en œuvre pour cela, en multipliant des accords de libre-échange (Corée du Sud, ASEAN, Union Européenne, TPP) et en menant des réformes structurelles pour gommer les fragilités de son secteur bancaire, ainsi que pour maîtriser l’inflation et le déficit public (4,3% en 2016). De plus il peut compter sur de nombreuses ressources énergétiques et une diversification économique relativement importante par rapport à ses voisins. Les dirigeants vietnamiens font ainsi les yeux doux aux investisseurs étrangers, misant sur la qualification et le faible de coût de la main d’œuvre. L’industrie est en effet la clé du rebond vietnamien (38% du PIB), notamment grâce au textile, à la plasturgie, à l’agro-alimentaire, à l’informatique ou à la téléphonie mobile. Concernant ce dernier secteur, Samsung, LG et Nokia ont récemment transféré leurs usines de production de smartphones de la Chine vers le Nord du Vietnam : ce sont aujourd’hui plus de 200 millions de smartphones qui y sont produits chaque année. Pour ce qui est du textile, l’industrie vietnamienne est devenue le principale concurrente de la Chine avec l’installation de géants comme GAP, Zara ou Uniqlo. Il faut dire que le doublement des salaires chinois en cinq ans et la relative stagnation de l’économie chinoise ont poussé les investisseurs étrangers à chercher de nouveaux débouchés pour réduire leurs coûts de production.
On peut donc constater que le Vietnam bénéficie d’une double-conjoncture favorable : une insertion dans le commerce mondial qui s’accentue grâce à des traités de libre-échange et une perte de compétitivité de la Chine dans certains secteurs industriels. Néanmoins, en dépit de cette trajectoire économique assez positive, le pays ne se démarque pas encore suffisamment de ses voisins pour le moment et la remise en cause du TPP sur lequel les dirigeants vietnamiens misaient beaucoup face à Pékin pourraient freiner l’élan vietnamien. Les fragilités économiques du Vietnam (poids du secteur informel par exemple), et le retard par rapport à la Chine demeurent extrêmement handicapants : en faire le nouvel atelier du monde apparaît ainsi pour l’heure largement prématuré.