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Démission de Nursultan Nazarbayev : quels changements pour le Kazakhstan ?

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Président depuis l’indépendance du Kazakhstan, en 1991, Nursultan Nazarbayev a annoncé mardi sa démission de la présidence du pays. Le « Chef de la Nation » fut à l’initiative de grands projets de modernisation du pays. Son départ pose la question de sa succession qui pourrait se jouer entre un proche de la première heure et sa propre fille.

Sous la présidence de Nursultan Nazarbayev, le Kazakhstan a connu de nombreux changements, notamment architecturaux
Khan Shatyr, l’un des joyaux architecturaux de la capitale Nursultan, anciennement Astana.

La longévité de Nursultan Nazarbayev.

À la chute de l’Union soviétique, en 1991, plusieurs États virent le jour en Asie centrale : le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Si chacun d’eux s’est détourné du communisme, la longévité du pouvoir est globalement restée en pratique. Dans ce domaine, le Kazakhstan fait figure de meneur. En vingt-sept ans d’indépendance, un seul président a été à la tête du pays et, à cela s’ajoutent quasiment deux autres années au cours desquelles il fut à la tête du pays lorsqu’il n’était encore qu’une république soviétique. Nursultan Nazarbayev, âgé de soixante dix-huit ans, avait été reconduit dans son mandat présidentiel, en avril 2015, en obtenant plus de 97 % des suffrages. Il y a un mois, il avait décidé d’écarter son Premier ministre, Bakhytzhan Sagintayev, et de dissoudre le gouvernement.

Parmi les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, le Kazakhstan est la plus riche du fait de l’exploitation de gaz, de pétrole et d’uranium. Ce dynamisme fut aussi permis par la volonté de N. Nazarbayev d’entreprendre une refonte et une modernisation du pays.

Le projet 2050 Strategy.

D’un point de vue culturel, en 2014, le « Chef de la Nation » avait lancé l’idée d’une modification du nom du pays pour Kazakh Eli. Ce terme signifiant toujours « Terre des Kazakhs », mais abandonnant le suffixe -stan, commun à d’autres États d’Asie centrale. N. Nazarbayev avait avancé l’argument que ce suffixe pouvait être un frein pour l’image du pays : « Par exemple, les étrangers s’intéressent à la Mongolie, dont la population ne compte que deux millions d’habitants, mais dont le nom ne se termine pas par ‘-stan’ ». Toujours concernant la culture, il avait été décidé, en 2017, que le pays entame un changement dans l’écriture de la langue kazakhe en abandonnant l’alphabet cyrillique au profit de l’alphabet turco-latin à horizon 2025.

Concernant l’architecture, Astana, devenue la capitale kazakhstanaise en 1998, est l’incarnation de la volonté de modernisation du président. Ces changements ont été permis par l’ouverture du pays aux capitaux étrangers. De la même manière, la collaboration avec des architectes de renom, comme le Britannique Norman Foster, a contribué au développement de la ville. Ce dernier a, notamment, dessiné la structure néofuturiste du Khan Shatyr, un gigantesque centre de loisirs qui a ouvert ses portes en juillet 2010.

Concernant l’aspect socio-économique, l’objectif est de faire du Kazakhstan l’une des trente économies les plus développées au monde d’ici 2050. Pour cela, le projet s’appuie sur sept thématiques, dont une traitant des questions sociales. Cette dernière prévoit l’amélioration des conditions de vie et de travail des habitants. Par ailleurs, elle vise à réduire les disparités entre les régions administratives du pays.

La démission de N. Nazarbayev de la présidence kazakhstanaise pose la question de sa succession. À l’heure actuelle, cette question est mise entre parenthèses jusqu’en 2020. En effet, la Constitution prévoit qu’en cas de démission du président, l’intérim est assuré par le président du Sénat, ici Kassym-Jomart Tokayev, jusqu’à la fin du mandat prévu par l’élection.

Quelle succession pour N. Nazarbayev ?

K.-J. Tokayev est un proche de N. Nazarbayev depuis « les premiers jours de l’indépendance du Kazakhstan » selon les propres mots du désormais ex-président. Il a notamment été ministre des Affaires étrangères, Premier ministre du pays et directeur général de l’Office des Nations unies à Genève. Dès le lendemain de sa prise de fonction, il a pris la décision de remplacer le nom de la capitale du pays, Astana, par Nursultan, en l’honneur de son prédécesseur. De la même manière, il a déclaré vouloir « nommer toutes les rues centrales des villes du nom de Nursultan Nazarbayev. »

Malgré sa démission, N. Nazarbayev ne devrait pas disparaître pour autant de la vie politique kazakhstanaise. Il reste membre du Conseil constitutionnel et président du parti au pouvoir Nur Otan. Il reste aussi à la tête du Conseil de sécurité du pays et, donc, en charge des forces de l’ordre. Enfin, grâce à des mesures qu’il avait prises lors de sa présidence, il peut jouir du statut particulier de « Premier président » de la nation.

Quel avenir pour Kassym-Jomart Tokayev après 2020 ? Restera-t-il à la tête de la République du Kazakhstan ? À l’heure actuelle, impossible de le dire. D’autant que la fille de son prédécesseur, Dariga Nazarbayeva, continue de gravir les échelons : avec l’intérim de K.-J. Tokayev, elle devient la nouvelle présidente du Sénat, l’un des postes stratégiques du pays.

Sources

« Kassym-Jomart Tokaïev est le nouveau président (par intérim) du Kazakhstan », Novastan, 19/03/19.

« Kazakh leader gains crushing election victory », BBC, 27/04/15.

« La capitale du Kazakhstan va être renommée ‘Noursoultan’ », Novastan, 20/03/19.

« Noursoultan Nazarbaïev n’est plus président du Kazakhstan », Novastan, 19/03/19.

« Нурсултан Назарбаев отправил в отставку правительство Казахстана », Fergana, 21/02/19.

SIEFF Martin, « Strategy 2050: Kazakhstan’s Road Map to Global Success », Edgekz, non daté.

TOMLINSON Simon, « President to drop the ‘stan’ from Kazakhstan because he is fed up with people confusing his country with poorer nations with similar names », Dailymail, 07/02/14.

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Maxime ONFRAY

Maxime ONFRAY est diplômé d'un master d'Histoire et est actuellement en M2 Géopolitique et Prospective à l'IRIS. Il est spécialiste du Moyen-Orient et s'intéresse fortement aux problématiques liées à l'Afrique et à l'Asie centrale. Ses thématiques de prédilection sont les questions d'ordres politique, géopolitique et religieux.

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