Le Royaume-Uni est-il en péril ?
Alors que le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse approche à grands pas, l’écart entre ceux qui voteraient « Oui » (29%) et les tenants du « Non » (41%) ne cesse de diminuer, ce qui commence à secouer la communauté politique londonienne à la tête d’un des plus vieux pays d’Europe. Pour autant, est-il vraiment bon que les Ecossais se laissent aller à leur vieux rêve de se séparer du Royaume ? Et surtout, le reste du Royaume-Uni n’a-t-il pas également beaucoup à perdre en cas d’indépendance ?
Alex Salmond, le chef du SNP, le parti national écossais, et fervent partisan de l’indépendance écossaise ne cesse de fustiger tous les alarmistes qui dressent les sirènes de la catastrophe économique imminent qui attendrait l’Ecosse en cas de séparation du reste des sujets de sa majesté. Dans un autre registre, c’est David Cameron lui-même qui, dans un discours délivré depuis le vélodrome olympique où Chris Hoy, écossais, fut couronné dans une épreuve cycliste, prêcha son amour du Royaume-Uni dans son entièreté.
En dépit de cela, il faut bien admettre que l’attitude de beaucoup d’anglais à de quoi agacer, tant ceux-ci font preuve d’une condescendance très perceptible à l’égard de leurs cousins du nord du Mur d’Hadrien. Toutefois, les Ecossais peuvent-ils se permettre de n’écouter que leur cœur et leur fierté ? Il est probable que non. Economiquement, l’Ecosse serait un nain et ses réserves de pétrole ne suffiraient probablement à en faire la nouvelle Norvège. D’autant plus que les autorités du Royaume-Uni, à commencer par le canadien Mark Carney, le président de la Bank of England, la banque centrale du Royaume, se succèdent pour assurer qu’une union monétaire avec l’Ecosse ne serait pas possible, à moins que l’Ecosse renonce à son autonomie fiscale. Sortir de cette union monétaire forcerait l’Ecosse soit à frapper sa propre monnaie, qui serait ensuite soumise aux fluctuations du marché ou à rejoindre la zone Euro, dont les membres ne sont pas enthousiastes à l’idée d’un éclatement du Royaume.
Outre ces considérations monétaires, on peut également douter du potentiel de l’Ecosse à assumer toutes les fonctions d’un Etat démocratique moderne. En effet, les institutions sociétales telles que les organismes de sécurité sociale, ceux chargés de l’ordre public et de la défense ou encore les institutions économiques comme un marché financier développé et suffisamment liquide sont quasiment inexistants. Dès lors, il semble que c’est une entreprise extrêmement risquée que souhaite entreprendre M. Salmond.
Toutefois, l’Ecosse ne serait pas la seule à nager en eaux troubles, loin de là. En effet, le Royaume-Uni se verrait amputé de 8,2% (en 2012) de son PIB[1] ainsi que de 8,5% de sa population totale[2]. L’Ecosse représente également 32% de la surface totale du Royaume-Uni. C’est donc une partie substantielle du Royaume qui revendiquerait son indépendance. Pas étonnant donc que David Cameron ne souhaite pas que cela arrive. Au-delà de son éloquence patriotique, il ne veut pas non plus que Londres perde davantage de poids dans un monde de plus en plus compétitif, d’autant qu’il perdrait également du poids dans ses négociations vis-à-vis de l’Union Européenne.
Un rêve qui doit le rester, pour le bien du Royaume, et de l’Union Européenne.
C’est d’ailleurs ironique que Cameron ait promis un référendum à ses électeurs sur leur volonté de rester en Europe alors qu’il ne souhaite pas l’indépendance écossaise. Pourtant, ce sont, à une échelle certes différente, les mêmes arguments qui devraient convaincre les Britanniques qu’ils ont tout intérêt à rester au sein de l’Union Européenne.
Néanmoins, une indépendance écossaise aurait des implications qui dépassent le seul Royaume-Uni. En cas de victoire du « oui », cela pourrait donner des idées aux Catalans, ce qui aurait un impact négatif sur l’Espagne, la quatrième économie de la zone Euro. Qui seraient les prochains sur la liste ? Les Bretons, les Bavarois ? Nous avons tous intérêt en Europe à ce que le Royaume-Uni reste intact. Reste à espérer que les Anglais ne se vantent pas trop de leur probable victoire dans le Tournoi des Six Nations contre leurs cousins Ecossais demain et ne titillent pas trop la fierté écossaise. Une victoire du « Oui » le 18 septembre prochain signerait la fin amère d’une des plus grandes nations au monde.