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Le marché gazier européen : une terre d’incertitudes pour Gazprom ?

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Gazprom face à ses défis en Europe

Alors que Gazprom fête sa victoire quant à la signature du contrat sur la construction du gazoduc Nord Stream-2, projet qui s’inscrit parfaitement dans sa stratégie d’encerclement de l’Europe par la toile de ses gazoducs, ses perspectives sur le marché gazier européen semblent vagues. De nombreuses incertitudes apparaissent, de la stagnation de la demande en gaz naturel au développement lent, mais sûr des énergies renouvelables, obligeant le monopole russe à redéfinir sa stratégie énergétique face aux nouvelles réalités du marché.

Le marché gazier européen en profonde mutation

Le marché gazier européen est aujourd’hui en profonde évolution, et ce processus est loin d’être achevé. Parmi les tendances dites « de fond » que l’on peut identifier, se trouvent la baisse de la demande en gaz naturel et la chute des prix du gaz qui en découle, le retour du charbon dans la production d’électricité, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation européenne, ainsi que l’expansion du gaz naturel liquéfié.

La baisse de la demande européenne en gaz représente l’un des défis majeurs. En dépit de l’essor spectaculaire de cette ressource fossile observé depuis la 2ème moitié des années 1990, ses perspectives demeurent peu claires, allant jusqu’à remettre en question la continuité de cette tendance dans les années à venir. Le gaz naturel a atteint son pic de consommation en 2010, soit 540 milliards de m3, et connaît dès lors une baisse drastique : 490 bcm en 2012, environ 437 bcm en 2014. Si, comme l’indique Geoffroy Hureau, Secrétaire Général de Cedigaz, l’essentiel de la baisse de 2014 est dû à des facteurs météorologiques la chute dans la consommation de gaz naturel ces dernières années s’explique avant tout par le contexte économique difficile : depuis la crise économique de 2008, les économies européennes ne se sont pas complétement rétablies, et le ralentissement de la croissance économique qu’on observe ces dernières années en est la conséquence. La stagnation de la demande en gaz s’explique, en outre par le retour du charbon dans le secteur industriel, ainsi que par la montée en puissance des énergies renouvelables, dont l’Allemagne et la France en sont parmi les plus gros producteurs de la région. Le recours massif au charbon et aux énergies renouvelables est encore plus visible dans la production d’électricité. Selon GRTgaz, l’entreprise française de transport de gaz naturel, les quantités de gaz utilisées pour la production d’électricité ont chuté de 60% depuis 2011 dans toute l’Europe, et cette tendance s’est accentuée encore plus fortement au 1er trimestre de 2015.

La chute des prix du gaz sur le marché européen, observée depuis 2011 risque de diminuer les recettes de Gazprom, le marché d’Europe est en fait le seul marché qui lui offre des bénéficies tangibles. C’est depuis des années que Gazprom travaille à perte sur le marché intérieur où le prix du gaz pour les consommateurs russes est largement inférieur à celui fixé pour les consommateurs européens. L’insolvabilité de certains pays de l’ex espace soviétique comme l’Ukraine conduit Gazprom à réaliser des coupures d’approvisionnements, la privant ainsi de recettes. La baisse des prix du pétrole dès 2014 accentue cette tendance. Si en 2013, le prix moyen du gaz russe en Europe s’établit à 402 dollars pour 1000 m3, il descend à 341 dollars en 2014 et même 240 dollars/1000 m3 dans la 1ère moitié de 2015.

L’expansion du GNL est un autre facteur qui change progressivement la conjoncture du marché mondial du gaz et du marché européen en particulier. Si les pays du Vieux Continent en bénéficient depuis 1964 (la Grande Bretagne et la France, puis l’Espagne), les pays du PECO commencent à y recourir. Longtemps reconnue économiquement non viable pour l’Europe orientale, dépourvue jusqu’à présent de toute infrastructure appropriée susceptible d’accueillir des méthaniers, le GNL y renforce désormais ses positions. En décembre 2014, la Lituanie a reçu son premier tanker de GNL dans le port de Klaïpeda dans le cadre du contrat gazier avec la Norvège ; aujourd’hui, le pays négocie de nouveaux contrats de fournitures de GNL avec les Etats-Unis. La Pologne a finalement mis en exploitation son 1er terminal à Swinoujscie, son premier tanker de GNL lui a été livré le 11 décembre dernier depuis le Qatar.

Ainsi, si Gazprom demeure le principal fournisseur de gaz de l’Europe, la mauvaise conjoncture du marché énergétique de la zone rétrécit considérablement sa marge de manœuvre, tant au sein des pays d’Europe occidentale (qui ont récemment augmenté d’une façon spectaculaire la part des énergies renouvelables dans leurs mix énergétiques), que dans les pays d’Europe orientale (ces derniers se tournant progressivement vers le GNL). Cette situation contraint Gazprom à réfléchir à l’élaboration d’une nouvelle approche, visant à lui permettre de maintenir la compétitivité de son gaz sur le marché de la zone.

 

 

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