Chypre entend enfin pouvoir contempler son futur
Après 43 ans de séparation, les négociations entre chypriotes grecs et chypriotes turcs en vue d’une réunification se sont intensifiées depuis le début de l’année. Néanmoins, l’équilibre demeure fragile dans ce dossier, dans lequel la question sécuritaire cristallise encore les enjeux entre la Grèce et la Turquie.
Face à face gréco-turc en Méditerranée
La situation peut paraître cocasse pour un pays dont le drapeau est orné de deux branches d’oliviers, symbole de paix. Soubresaut de l’histoire, la partition de Chypre remonte à 1974. Cette année-là, un coup d’État inspiré par Athènes vise à déstabiliser Nicosie pour rattacher l’île à la Grèce.
Une menace jugée inacceptable par Ankara, qui dépêche immédiatement plus de 40 000 hommes à Chypre, pour éviter que la situation ne dégénère. Les populations qui vivaient jusque-là en harmonie se polarisent aux deux extrémités de l’île. Plus de 100 000 personnes quittent leurs terres. Au nord, on trouve les Chypriotes turcs. Au sud, les Chypriotes grecs, et la République de Chypre, seule entité reconnue internationalement, et membre de l’Union européenne.
Des désaccords notables persistants
A ce sujet, la faible implication diplomatique de l’Union européenne dans ce dossier s’avère dommageable. Tenues par un accord migratoire avec Ankara, les puissances européennes craignent en effet d’envenimer la situation. Ce manque de soutien sensible explique en partie l’impossibilité à passer outre certains points de tension.
Pourtant, côté turc comme côté grec, force est de reconnaître que les dirigeants chypriotes ont su surmonter leur rancœur mutuelle pour s’atteler à la tâche. Ainsi, malgré les échecs des pourparlers tenus en 2014 et 2016 à Genève, Mustafa Akıncı et Nicos Anastasiades ont accepté de se rasseoir à la table des négociations pour évoquer les sujets sensibles. Parmi ceux-ci, la question de la spoliation des biens des 162 000 Chypriotes grecs qui ont dû abandonner leurs foyers au nord de l’île, suite à sa scission en 1974.
Des circonstances propices aux avancées
L’autre sujet principal du dossier chypriote, son découpage territorial, a quant à lui grandement avancé. Les deux parties ont en effet présenté des cartes auprès de responsables des Nations Unies. Ces dernières prévoient notamment la rétrocession d’une partie des 37% du territoire de l’île contrôlés par la République turque de Chypre du nord. Cependant, les forages pétroliers et gaziers, qui ont débuté en juillet côté grec, menacent de faire achopper les négociations. Ainsi, Ankara a donné l’ordre d’envoyer deux frégates et un sous-marin pour surveiller les zones de forage.
Malgré ces questions épineuses en suspens, une trajectoire de sortie de crise semble se matérialiser. Preuve en est, la question de la gouvernance future de l’île a même été évoquée. Pour l’heure, une solution fédéraliste sacerdotale à deux gouvernements, et à présidence tournante, semble privilégiée. Mais peu importe, après des années d’attente, la population espère enfin voir s’esquisser une issue pérenne au conflit. Sur l’île, tous souhaitent voir la mission onusienne présente depuis 1974 enfin quitter leur quotidien. Pour l’ancienne colonie britannique, c’est une fenêtre d’opportunité inédite qui se dessine. En effet, après cela, les élections de février, au sud de l’île concentreront toute l’attention.
Quoi qu’il arrive, les positions de la Grèce et de la Turquie seront déterminantes. Il apparaît aujourd’hui clair que la réunification ne pourra passer que par un retrait rapide des troupes turques stationnées sur l’île. Un retrait auquel se refuse formellement Recep Tayip Erdogan, ce qui tend encore un peu plus la situation entre les deux voisins honnis. Dernier épisode en date, le président turc a ouvertement remis en cause le rattachement d’îles égéennes à la Grèce, par le traité de Lausanne, signé en 1923, et duquel la Turquie tire ses frontières actuelles.