Le changement climatique, un défi pour la gouvernance mondiale
Les situations d’ingérences et de politique étrangère ne sont pas les seuls casus belli entre puissances industrialisées et pays émergents. Le changement climatique, les prises de responsabilités et déblocage de fonds qui y sont liés sont également l’enjeu de tensions et accusations mutuelles.
Le principal sujet de frictions concerne le financement du Fonds vert pour le climat, crée à la suite du sommet de Copenhague en 2009, et à propos duquel aucun principe contraignant n’avait véritablement été adopté. Ce fonds, financé par les pays industrialisés, est censé répondre aux revendications des pays émergents (BRICS en tête) pour qui la contrainte environnementale est, au mieux, un problème qui ne les concerne pas ou peu, au pire, un moyen pour les puissances déclinantes occidentales de retarder encore et toujours leur dépassement. Censé mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, le fonds avait donc pour objectif d’aider les économies en développement à investir dans des infrastructures et technologies respectueuses de l’environnement. Dans les faits, grevé par le contexte de crise, le fonds s’est rapidement trouvé délaissé et le problème intact.
L’autre thème important porte sur la création d’un mécanisme de réparations et dédommagements pour les pays victimes de catastrophes climatiques. Le sujet est particulièrement d’actualité alors que l’année 2013 a été marquée par le passage aux Philippines du typhon Haiyan, avec près de 10 000 victimes annoncées, les sécheresses en Californie ou encore les inondations au Royaume-Uni. Une diversité de pays victimes qui pose la question des modalités d’attribution des financements.
Ainsi, loin de constituer une nouvelle étape vers la signature d’un compromis, la conférence de Varsovie en novembre de l’année dernière a une fois de plus souligné le rapport de force déséquilibré qui sous-tend la question environnementale. Dans une large mesure, les camps et alliances articulant les oppositions sur le sujet recoupent les grands clivages Nord/Sud : de fait, selon les experts les premières régions touchées par les changements climatiques (augmentation de la fréquence et de la violence des typhons, montée du niveau des océans, sécheresses…) compteront – ou comptent déjà – parmi eux l’Asie du Sud-Est (Bangladesh, Philippines…), l’Afrique de l’Est (Soudan, Éthiopie, Madagascar…) ainsi que l’ensemble des petits États insulaires (Maldives, Bahamas…). Les ONG et militants écologistes peinent donc à mobiliser les dirigeants et opinions publiques des pays disposant des véritables leviers d’action, comme en témoigne la persistance, au sein du droit international, du flou juridique concernant les réfugiés climatiques, dont le sort est pourtant mis en avant depuis 1985 par le PNUE (Programme des Nations Unis pour l’environnement). De leur côté, les BRICS jouent une habile quoique nocive partition, vantant leur progressif dépassement des pôles de la Triade d’une part, n’hésitant pas à prendre la tête du mouvement des pays en voie de développement en ce qui concerne les questions environnementales de l’autre.
Une nécessaire prise de conscience
L’enjeu est pourtant considérable : si rien n’est fait pour sérieusement limiter à l’échelle planétaire l’augmentation globale de la température, ce sont pas moins de 200 millions de réfugiés climatiques qui pourraient apparaître d’ici à 2050, selon les estimations de la Banque mondiale. C’est dans ce contexte que des voix toujours plus nombreuses s’élèvent pour réclamer une véritable prise en charge globalisée du problème : relever le défi climatique et environnemental à venir passera inévitablement par un véritable effort mondial de synchronisation des politiques publiques étatiques. Les coûts sans cesse croissants que les assureurs se voient contraints de payer face aux catastrophes permettront peut-être progressivement au secteur privé de pousser en ce sens.
Contrairement à la question sociale, celle environnementale, pour être rapidement et efficacement traitée, ne peut être simplement abordée à travers le prisme national. Les rejets massifs de dioxyde de carbone, la pollution des nappes phréatiques, l’épuisement des ressources naturelles ne sont pas « individualisables » et délocalisables comme ont pu l’être par le passé les centres de production à la chaîne et les bas-salaires : en France ou en Chine, le rejet de CO2 a le même niveau de nuisance pour l’ensemble du globe.
Des pollueurs et une seule planète pour en subir les conséquences, tel était déjà le sens du constat de Jacques Chirac au sommet de la Terre à Johannesburg en 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Plus de dix après, les préparatifs pour la conférence de Paris 2015 démontrent amèrement que les regards sont, sinon tournés ailleurs, bien divergents. C’est pourtant bien ce constat auquel l’ensemble de la communauté internationale devra souscrire si elle veut parer au réchauffement climatique. Toute la question est de savoir si tous les acteurs réussiront à dépasser les classiques jeux d’alliances et d’oppositions en vue de faire émerger dans le temps escompté la nécessaire gouvernance mondiale.