Coopération Fiscale : un début d’acte (longtemps) après les mots.
Aujourd’hui, trois pays figurant parmi les plus avancés de la planète seraient sur le point d’annoncer qu’ils publieraient les fichiers obtenus concernant les sociétés détenant des comptes offshores. En effet, les Etats-Unis, le Royaume-Uni ainsi que l’Australie auraient l’intention de mettre à disposition des Etats qui le souhaitent les informations qu’ils ont obtenues et sur la base desquelles ils enquêtent.
Les 16 et 17 Mai prochains se déroulera à Moscou le forum mondial des administrations fiscales auquel assisteront les directions générales des impôts de quarante pays de l’OCDE et du G20. A cette occasion, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie seraient prêts à partager les fichiers qu’ils ont obtenus concernant les sociétés étrangères détenant des comptes offshores dans des paradis fiscaux, notamment aux îles Caïmans et aux îles Vierges.
S’ils décident de franchir le Rubicon, ce serait une étape historique après tous les discours de ces dernières années qui consacreraient (enfin !) toutes les promesses faites par différents gouvernements, notamment celui de Mr Sarkozy qui fanfaronnait après le sommet de Pittsburgh en 2009 « les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini ! ». Alors que ces dernières années n’ont été que le théâtre de promesses sans lendemains et de déclarations vides à force d’être répétées, cette fois, c’est du concret qui s’annonce. Si, en France, l’affaire Cahuzac a ébranlé tous les échelons de la société jusqu’à imposer une moralisation de la vie politique, d’autres Etats en prennent pour leur grade comme l’Allemagne qui a vécu quelques affaires retentissantes comme celle, dernière en date, du Président du Bayern de Munich.
La première initiative pour mettre à mal les procédures d’évasion fiscale a toutefois été menée par des journalistes d’investigation dans un effort collectif international afin de dévoiler l’identité de détenteurs de comptes dans des îles paradisiaques servant de boîtes aux lettres domiciliant une entreprise. L’initiative « Offshoreleaks » a véritablement signé le point de départ d’une entreprise à échelle mondiale : celle de la levée du secret bancaire dans les pays traditionnellement perçus comme hébergeant des exilés ou « optimisateurs » fiscaux. En effet, depuis lors, plusieurs pays tels que le Luxembourg et la Suisse ont accepté l’idée que leur secret bancaire ne tiendrait plus[1].
Un petit pas pour le moment mais l’annonce d’un grand bond à venir.
Cependant, l’annonce de cette entraide intergouvernementale porte la lutte contre les paradis fiscaux à une toute autre échelle. Enfin nous avons des administrations fiscales qui coopèrent afin de traquer les systèmes mis au point par des particuliers des entreprises pour éviter de subir une fiscalité jugée trop lourde. Cela renouvelle l’idée que les Etats ont tout intérêt à œuvrer de concert les uns avec les autres afin d’amplifier les résultats d’une certaine action. Dans la droite lignée de l’ONU ou de l’OMC, cette initiative pourrait, à terme, voir émerger une nouvelle institution internationale dédiée à la transparence des mouvements financiers dans le monde, ce qui serait une avancée considérable dans la traque de l’évasion fiscale mais pourrait avoir également une portée bien plus importante dans l’optique de superviser les échanges financiers mondiaux, d’une place à l’autre.
[1] On notera avec un certain humour que malgré ce secret bancaire, le Luxembourg et la Suisse se trouvent devant la France dans le classement 2012 des pays les plus transparents édité par Transparency International.