Kenya: l’avenir de la Cour Pénale Internationale en question
Les députés kenyans ont voté ce jeudi pour que leur pays sorte de la juridiction du tribunal de la Haye. Si ce vote est suivi d’effets, le Kenya deviendra le premier des 122 pays reconnaissant l’autorité de cette cour de justice à prendre une telle décision… Ce qui peut faire craindre un effet domino en Afrique.
Ce vote des députés illustre le mécontentement des kenyans vis-à-vis d’une cours qui accuse le président Kenyatta et le vice-président Ruto de crime contre l’humanité, dans le cadre des violences qu’a connu le Kenya suite aux élections de 2007.
On peut comprendre le ressentiment. Le Kenya est aujourd’hui apaisé. Kenyatta et Ruto, qui s’étaient violemment affrontés en 2007, font aujourd’hui front commun, et la coalition dont ils disposent au parlement jouit d’une confortable majorité. Ce que de nombreux kenyans craignent, c’est la mise « hors-jeu » de Ruto et Kenyatta, car une pareille décision de la Cour ne manquerait pas de déstabiliser le pays. C’est l’alliance de ces deux hommes, démocratiquement élus, qui préserve le Kenya.
Au-delà du cas particulier du Kenya, c’est la légitimité même de la CPI qui est assez largement remise en cause, tout particulièrement en Afrique (toutes les enquêtes actuellement menée concernent des pays africains), et ce pour deux raisons principales.
D’une part, de par son existence même, la CPI nie la capacité des nations africaines à juger elles-mêmes les criminels. Cet argument semble tout particulièrement pertinent dans le cas du Kenya, pays doté d’une démocratie fonctionnelle est d’une justice efficiente, qui se sent infantilisé. Notons néanmoins que les juges kenyans n’ont montré aucun empressement à enquêter sur les violences de 2007 et sur la responsabilité de MM. Kenyatta et Ruto…
D’autre part, l’Afrique accuse la CPI de n’être qu’un instrument du néocolonialisme, les puissances occidentales utilisant le tribunal de La Haye pour imposer leur justice aux pays africains. Un sentiment d’autant plus vif que la première parmi ces puissances, les Etats-Unis, a toujours refusé de reconnaitre l’autorité de la CPI.
La Cour Pénale Internationale est, dans ses fondements et dans ce qu’elle représente, une institution saine. Par définition, les crimes contre l’Humanité méritent une juridiction supérieure à la seule juridiction nationale, et il est un fait que, dans de très nombreux cas, la justice locale n’a tout simplement pas les moyens, ni parfois la volonté, de se saisir de ces affaires.
A l’heure où l’ONU est mise dans l’impasse par le fonctionnement du Conseil de Sécurité, où le cycle de Doha de l’OMC n’avance plus, la décision des parlementaires kenyans semble confirmer le XXIème siècle ne sera pas celui du multilatéralisme…