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Histoire, langue, citoyenneté : vers une réaffirmation des États ?

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Vladimir Poutine développe le concept de Nouvelle Russie, axé sur la défense de l'ensemble des populations russophones .
Vladimir Poutine développe le concept de Nouvelle Russie, axé sur la défense de l’ensemble des populations russophones .

Dans un cadre mondialisé, l’on savait les États pris en étau. Entre d’une part, un échelon supra-national, où les organisations régionales et internationales se multiplient, d’autre part un renforcement d’acteurs privés (individus, ONG, FMN…), ils semblaient saisir avec peine les évolutions de l’environnement mondial, enfermés qu’ils étaient dans le classique carcan des relations strictement inter-étatiques. Une interprétation de la récente crise ukrainienne et des débats en Israël permet cependant de distinguer une tendance, caractérisée par une réflexion sur les citoyennetés et récits nationaux,  pensés comme d’éventuels outils de politique étrangère.

Bien qu’intervenant dans des contextes différents, les cas russes et israëliens apparaissent donc révélateurs. En Russie d’abord, la crise ukrainienne illustre le renouveau idéologique de la politique étrangère russe, renouant avec une conception impériale et régionale de son influence. Un impérialisme ethnicisé, fondé sur une appartenance commune à une sphère linguistique. Ainsi, l’argument principal avancé par Moscou pour justifier son activisme en Ukraine était celui de la défense des populations russophones. Ce faisant, la Russie esquisse une conception renouvelée de la nation, extensive, qui postule que la défense des intérêts du pays dépasse la simple défense de son territoire et des citoyens russes stricto sensu. Suivant cette logique, Moscou a également récemment élargi aux Ukrainiens demandant asile en Russie l’accessibilité au programme d’Etat pour les rapatriés volontaires (initialement uniquement destiné aux Russes demeurant toujours dans les ex-républiques soviétiques), qui alloue des indemnités aux revenants, en échange de quoi ceux-ci doivent s’installer dans la région indiquée par les autorités. En modifiant ainsi sa conception de la nation, la Russie déploie donc une politique étrangère plus fluide, ignorante des frontières et des conventions du droit international, fondé depuis 1945 sur un dialogue inter-étatique. Une politique d’autant plus fluide et difficile à dénoncer qu’elle s’appuie précisément sur les revendications des individus concernés, arguant de leurs droits fondamentaux, auxquels les puissances occidentales font elles-mêmes souvent référence.

En Israël, la question d’une conception renouvelée de la nation se pose dans le cadre plus large du statut de l’Etat. Le pays est divisé autour de la définition ou non de l’Etat d’Israël comme un Etat juif. Si tel était le cas, les retombées internationales et diplomatiques seraient en effet potentiellement conséquentes. Une telle définition donnerait à Israël une raison d’intervenir dans les affaires de tout Etat où il estimerait la communauté juive menacée, faisant fi des frontières et souverainetés étatiques. Une telle conception ethnicisée de l’Etat-nation transgresserait là aussi le système international actuel, qui s’accommode de plus en plus difficilement de la problématique articulation entre souveraineté étatique et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Il est acté depuis longtemps que la participation à la vie de son pays peut se faire en dehors du cadre de ses frontières. La Chine, l’Inde ou encore la Turquie, pour ne citer que les principaux exemples, se développent en profitant de l’étendue et de la diversité de leur diaspora, qui constituent des parts importantes de leurs IDE entrants (60% dans le cas chinois). Il s’agissait cependant jusqu’ici d’initiatives essentiellement privées, qui n’étaient qu’ultérieurement éventuellement captées et consolidées par les autorités politiques. La nouveauté ici est que la réflexion est directement initiée par des pouvoirs publics, qui dans le contexte mondialisé – pour des raisons et dans des cadres très divers comme le montrent nos deux exemples – cherchent à redonner de la cohérence et de la contenance à une notion (nation) qui paraît parfois dépassée par la mobilité nouvelle des acteurs privés.

Les cas concrets sont encore peu nombreux, mais cette réappropriation de l’Histoire (pensons aux îles Senkaku et aux tensions sino-japonaises), des langues et de la citoyenneté à des fins d’affirmation d’identité ou d’extension d’influence s’inscrit dans une redéfinition des rapports internationaux, marquée par la désormais classique articulation entre hard et soft power. La puissance militaire demeure essentielle, mais prenant acte de l’autonomisation et de l’affirmation des individus, les États, dans une logique quasi clientéliste, la couple désormais avec une bataille de récits, justifications et valeurs visant à convaincre et rallier ces acteurs privés.

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