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PSU et deuxième gauche (3/4)

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Parce qu'attaché au principe autogestionnaire, le PSU dénonce le Programme commun de 1972, renforçant à leur yeux la soumission de la gauche au principe étatique
Parce qu’attaché au principe autogestionnaire, le PSU dénonce le Programme commun de 1972, renforçant à ses yeux la soumission de la gauche au principe étatique

Parallèlement à la démarche rocardienne de rapprochement au sein du nouvellement créé Parti Socialiste (PS), les partisans d’une autonomie maintenue du PSU vis-à-vis des autres partis de gauche adoptent au cours des années 70 une rhétorique marxiste et léniniste où la lutte des classes justifie la constitution d’un parti cette fois-ci révolutionnaire. Le contre-plan pré-soixante-huit est remplacé par la lutte contre la dictature de la bourgeoisie. Le PSU conçoit alors l’autogestion dans une perspective de changement radical de régime, et refuse de souscrire au Programme commun en juin 1972, l’estimant trop peu fidèle au principe autogestionnaire. Le PSU rejette alors tant le PS qui s’affirme comme parti de gouvernement que le PCF dont il récuse l’attachement à l’Etat.

Le PSU, fleuron du renouvellement marxiste en France

Ici, il convient de replacer la pensée du PSU dans le contexte du début des années 70. Le prestige du PCF pâtit d’un double-mouvement qui le prend en étau. D’une part, son affiliation à l’URSS nuit à son image. le parti est décrit comme bureaucratique, figé dans une gestion patrimoniale de la classe ouvrière laissant de côté l’horizon révolutionnaire marxiste; et l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS apparente cette bureaucratie à une gestion autoritaire de la politique. Par ailleurs, la France est alors le théâtre d’un essor maoïste, sur fond de centenaire de la Commune. De nombreuses maisons d’éditions/collections (Maspero, Champ libre, Points…) voient jour, qui diffusent ou rééditent des classiques révolutionnaires, des revues et journaux (La Cause du Peuple soutenue par Sartre, Tel Quel avec Sollers…) vantent la réussite de la Révolution culturelle chinoise. De la Chine, livre écrit par la députée italienne Macchiochi et publié en France dans la collection « Combats », fait alors figure de référence, opposant aux lourdeurs soviétiques la spontanéité du maoïsme qui permet « l’irruption des masses dans la superstructure » étatique. La charnière des années 60 et 70 est ainsi le moment d’un renouveau de la gauche marxiste française, De la Chine étant interdit de diffusion à la fête de l’Humanité 1971 et les communistes devenant aux yeux des maoïstes/trotskistes des « révisionnistes ». Le PSU participe activement à ce renouveau et souscrit totalement à la méfiance vis-à-vis de l’Etat, perçu comme institution productrice de normes défendant l’intérêt bourgeois et favorisant la confiscation du pouvoir.

Le PSU contre le Programme commun

Aussi, analyser les reproches que le PSU porte au PCF quant au Programme commun permet-il de dégager en creux quelques grands traits de l’approche autogestionnaire qu’il développe lui-même.

La dénonciation du Programme commun, alliance des deux partis « institutionnels » de gauche, constitue  la première pierre de ce positionnement « gauchiste ». Ce programme fait office d’événement majeur de recomposition de la gauche: le PSU met cet événement de 1972 en résonance avec mai 68 et s’attache à souligner en quoi il trahit une rupture avec les principes marxistes.

Sur la question du capitalisme d’abord, le PCF prône une étatisation de l’économie avec des nationalisations et une conception dirigiste des grandes orientations à impulser. Le PSU considère cette approche comme une souscription à la conception gaulliste de l’Etat et de ses prérogatives, au sein de laquelle notamment le programme nucléaire national,  soutenu par le PCF ET fondement du souverainisme, a toute sa place. Au-delà des enjeux sécuritaires et même écologiques, c’est le modèle de société capitaliste qui sous-tend le nucléaire qui est remis en question. L’effort nucléaire mené par la France des années 60/70 repose sur le pari que la croissance économique et l’amélioration des niveaux de vie conduiront mécaniquement à un accroissement de la consommation électrique des ménages. De même, la complexité du programme, les moyens qu’il demande ainsi que la forte composante risque qu’il suppose requièrent une gestion qui est nécessairement centralisée, militarisée, en un mot étatisée. Pour le PSU, avaliser un tel programme, c’est donc adopter pour les 40-50 ans suivants un modèle non-seulement énergétique mais aussi économique et sociétal.

En plus du capitalisme d’Etat, apparaît ici l’autre grand point de divergence avec les communistes qui est la croyance en un progrès porté par les avancées de la science. Pour les têtes pensantes du PSU (Michel Mousel notamment), les processus d’industrialisation alors à l’oeuvre ne sont pas neutres et ne peuvent assurer une égale répartition des fruits d’un progrès présenté comme accessible à tous. Le choc pétrolier de 1973 et l’apparition du chômage de masse sont pour le PSU un avertissement sur les dérives potentielles du progrès et d’un abandon à la logique de la croissance. La dénonciation du programme électro-nucléaire est donc le véhicule politique d’une réflexion plus large sur la validité du modèle scientifico-capitaliste, avec en creux l’apparition de concepts tels que la décroissance qui seront la matrice des mouvements écologistes et alter-mondialistes dans les années 80 et 90.

Une conception dont le PSU tire aussi les conséquences sociologiques, en critiquant la « projection sociale » de la croyance en la science. Le PSU reproche au PC sa complaisance vis-à-vis de la division du travail, qu’elle prend pour une donnée figée. Leur approche prétend au contraire dépasser les simples réclamations de resserrements salariaux et d’une meilleure représentativité des ouvriers dans la gestion. Il faut de leur point de vue remettre en cause le fondement même du statut des bourgeois, à savoir la détention de savoirs et compétences matérialisée par le graal du diplôme. Dans la logique que développe le PSU, la structure centralisée de l’Etat assure en effet à ceux qui disposent de certains savoirs (haut-fonctionnaires, ingénieurs…) une main-mise et un monopole des grandes orientations politiques du pays.

La critique du PCF esquisse donc une dénonciation globale, aussi bien des fondements idéologiques de la société capitaliste que de ses traductions sociales et hiérarchiques. De ce point de vue, le PSU, dans un contexte intellectuel maoïste, propose un renouveau certain de l’élan marxiste, dont les communistes ne sont plus considérés comme les légitimes représentants.

Cet article fait suite à deux autres textes publiés précédemment (ici et ici)

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