Cameroun, enjeux et représentations en zones anglophones
Le 1er octobre, une importante manifestation était organisée à Bamenda, principale ville du Cameroun anglophone. Les manifestants revendiquaient davantage de libertés, et une meilleure représentation des anglophones dans un pays majoritairement francophone.
Le 1er octobre 2017 était prononcée l’indépendance de la « République d’Ambazonie ». Cette déclaration, proclamée par le leader Sisiku Ayuk, n’a qu’une valeur symbolique pour cette région anglophone du Sud-Ouest du Cameroun. L’envoi des forces de l’ordre pour réprimer la manifestation, qui a fait dix-sept morts, est une preuve de l’exacerbation des tensions entre la région séparatiste anglophone et le gouvernement central de Yaoundé.
Cette division linguistique est un pur produit de l’ère coloniale. Avant 1960, la France et la Grande-Bretagne se partageaient le Cameroun. Le 1er octobre 1961, les parties françaises et anglaises sont alors unies sous le nom de République fédérale du Cameroun.
Le pays, qui compte 20 % d’anglophones est depuis 1982 aux mains de Paul Biya. Ce chef charismatique avait promis une ouverture démocratique du Cameroun. Il n’en est rien. En trente-cinq ans, Paul Biya s’est attaché à construire un État centralisé et jacobin, où toutes les décisions émanent directement de Yaoundé, la capitale.
Citoyens de seconde zone
Alors, que revendiquent exactement les anglophones ? Tous savent qu’ils ne pourront pas accéder à l’indépendance à court-terme. Déclarer symboliquement l’indépendance de l’Ambazonie était davantage stratégique : l’objectif était d’effectuer une action coup de poing afin d’interpeller la communauté internationale. Les anglophones souhaitent tout d’abord un retour au fédéralisme, qui a fonctionné au Cameroun de 1961 à 1972. Beaucoup de ces anglophones se sentent en effet traités comme des citoyens de seconde classe, n’ayant pas les mêmes droits que leurs voisins francophones. Les exemples sont nombreux. La plupart des concours administratifs se font en français; des juges ou des instituteurs francophones viennent exercer leur profession en zone anglophone. Sous-représentés au Parlement et au gouvernement, les anglophones se sentent marginalisés.
Une région riche en hydrocarbures
Déjà embourbé dans une guerre larvée contre Boko Haram au Nord, Paul Biya prétend vouloir maintenir l’unité nationale en muselant les revendications indépendantistes. Quelles sont toutefois les véritables intentions de Yaoundé, pourquoi ne pas laisser un peu d’air au Sud pour éviter un embrasement ? Dans un pays où plus de 250 langues sont recensées, la question anglophone semble plus relever d’une problématique économique que linguistique. La région de Bamenda est en effet très riche en hydrocarbures. On y trouve notamment du pétrole et du gaz, exploités par des entreprises francophones. Paul Biya ne compte donc pas lâcher du lest à cette région aussi stratégique pour l’économie camerounaise.
Cependant, la situation pourrait évoluer très vite. Plus le temps passe, plus les revendications s’amplifient, au même rythme que la répression du gouvernement central. En janvier 2017, après de fortes manifestations, le gouvernement a coupé internet en « Ambazonie » pendant trois mois, prétextant une panne. Cette coupure a fait chuter le taux de croissance de la région de 70 %. Pour Paul Biya, c’est une stratégie réussie puisqu’il semble difficile pour une région appauvrie de prétendre à l’indépendance.