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Afghanistan : la victoire entérinée des Talibans ?

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L’Afghanistan est un pays d’Asie Centrale, bordé par le Pakistan, la Chine, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et l’Iran. Le régime communiste afghan tombe en 1992, après avoir connu une invasion soviétique en 1979, destinée à lutter contre la poussée des talibans. Désormais, le pays est en guerre depuis près de quarante ans, rongé par un terrorisme islamiste dévastateur, un gouvernement impuissant, une économie désastreuse et une violence extrême. Le président Donald Trump a annoncé en décembre 2018 le possible rapatriement de troupes américaines dans le courant de l’année 2019. Plongeons dans la géopolitique de l’Afghanistan, pour tenter de comprendre les conséquences qu’aurait cette décision si le président s’avisait de la mettre en œuvre.

Le président américain et son homologue afghan, Ashraf Ghani

Géopolitique de l’Afghanistan

L’Afghanistan occupe une position stratégique au cœur de l’Asie Centrale. Le pays se situe sur l’itinéraire de la route de la Soie, reliant la Chine à l’Europe en passant par l’Asie Centrale. Par ailleurs, le pays dispose d’immenses richesses sous la forme de ressources naturelles : hydrocarbures, or, fer, ou encore cuivre (la mine de cuivre d’Aynak est la deuxième plus grande mine de cuivre du monde), qui attisent la convoitise des plusieurs puissances.

Retraçons brièvement l’histoire des dernières décennies en Afghanistan, pour tenter de comprendre l’évolution de la situation. Après la chute du régime communiste, les talibans, soutenus par le Pakistan, s’emparent du pouvoir en 1997. L’assassinat du commandant Massoud, leader afghan pro-américain, ainsi que l’attentat du World Trade Center le 11 septembre 2001, décident les Etats-Unis à intervenir en Afghanistan pour renverser le pouvoir taliban. Le 11 août 2003, l’OTAN prend le commandement de la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité (FIAS), une coalition militaire regroupant 37 pays. Cette force ne réussit cependant pas à renverser le régime taliban. L’OTAN décide d’y mettre fin en décembre 2014, tout en mettant en place la mission « Resolute Support » en 2015. Cette dernière a pour objectif de participer à la formation et au renforcement des forces de sécurité afghanes dans leur lutte contre le terrorisme. En 2014, le président Ashraf Ghani et élu et son gouvernement reconnu par la communauté internationale, mais les talibans refusent de se soumettre à lui. Les Etats-Unis sont actuellement les interlocuteurs privilégiés par les talibans depuis les tentatives de dialogue mises en place depuis 2007

Les intérêts des grandes puissances en Afghanistan

Les Etats-Unis ne sont pas la seule puissance s’intéressant à l’Afghanistan : la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran et le Pakistan sont également des acteurs clés du conflit. La Russie, la Chine et les Etats-Unis cherchent mutuellement à s’exclure du pays. La Chine a deux intérêts majeurs en Afghanistan : en prenant pied dans le pays, elle s’assure un partenariat crucial avec un pays qui se trouve sur la route de la Soie, qu’elle projette d’emprunter jusqu’en Europe. Elle assure donc par là ses exportations vers les marchés européens. En outre, la Chine est attirée par les ressources naturelles dont dispose l’Afghanistan[1].

La Russie voit d’un mauvais œil l’arrivée de la Chine en Afghanistan, car cette dernière vient contrer sa propre influence en Asie centrale. Elle a donc intérêt à ce que les Etats-Unis maintiennent leur présence en Afghanistan, contrant ainsi l’influence chinoise qui risquerait, si les Etats-Unis décidaient de partir, de gagner en importance[2].

Parallèlement à ce noyau, d’autres puissances voisines s’intéressent de près à la situation en Afghanistan. Au premier pan le Pakistan, qui est un acteur clé pour comprendre la situation dans le pays voisin. Le Pakistan est un pays à majorité sunnite, bordé par l’Inde hindouiste et l’Iran chiite. Face à ces menaces, il a encouragé la formation de groupes terroristes islamistes pour se protéger. Les talibans, en poursuivant des objectifs servant ceux du Pakistan, à savoir le djihad contre les chiites, les communistes afghans et les indiens, sont donc extrêmement précieux pour la survie de l’Etat pakistanais, d’autant plus qu’ils empêchent son grand ennemi indien de s’y implanter. L’Inde essaie effectivement de gagner en influence en Afghanistan, notamment par l’intermédiaire de financements (le Parlement de Kaboul, diverses contributions dans les secteurs de l’éducation et de la santé par exemple) parce qu’elle a besoin que la situation du pays se stabilise pour faire passer un gazoduc qui lui permettra de répondre à ses besoins énergétiques[3].

La situation intérieure de l’Afghanistan

Le pays possède officiellement un gouvernement, présidé par Ashraf Ghani. Ce dernier n’a cependant pratiquement pas de poids face à la puissance des talibans, et ne contrôle plus certains pans de territoire (environ 60% du territoire afghan selon Jean-Luc Racine), passés sous autorité des terroristes. Par ailleurs, depuis le début des négociations entamées avec les talibans, le gouvernement afghan est systématiquement mis à l’écart. En plus d’un gouvernement impuissant, le système politique est rongé par la corruption.

L’économie du pays est basée sur la production et l’exportation de l’héroïne, qui est une part non négligeable du PIB national. Le pays est le premier producteur mondial d’opium. L’argent issu du trafic de drogue permet de financer le terrorisme par l’intermédiaire de taxes prélevées par les terroristes. La drogue participe donc à la dégradation de la situation sécuritaire du pays, en alimentant le cercle vicieux « terrorisme-drogue-corruption ». De manière générale, le développement du pays est très retardé, et cela malgré les investissements considérables effectuées par des puissances étrangères comme la Chine et l’Inde[4]. Enfin, l’amélioration de la situation dans le pays parait assez compromise, étant donné le niveau d’insécurité qui y règne : attentats, exécutions sommaires… les talibans règnent en maîtres en maintenant un niveau d’extrême violence.

Un possible retrait des troupes américaines d’Afghanistan : pourquoi et quelles conséquences ?

L’annonce faite par Donal Trump, en décembre 2018, d’un possible rapatriement des troupes américaines basées en Afghanistan a été très remarquée. Notons au passage que le président a présenté cette idée comme une éventualité, et non pas comme une décision entérinée. Pourquoi Donald Trump envisage t-il cette possibilité ? Il est en effet assez surprenant que le président américain envisage aujourd’hui de se retirer du conflit afghan, alors qu’il avait, en 2017, augmenté le nombre de soldats présents sur le terrain. Malgré tout, la tendance protectionniste adoptée par les Etats-Unis depuis l’élection de Donald Trump semble ici être mise en application.

Une première raison pourrait être l’enlisement des soldats américains dans un conflit qui coûte très cher aux Etats-Unis et dont personne ne semble voir l’issue. On dit souvent que l’Afghanistan est le nouveau Vietnam des américains, ce qui expliquerait pourquoi Trump envisage de se retirer du jeu. L’envoi de troupes supplémentaires en 2017 n’ayant pas réussi à faire basculer l’issue du conflit en faveur des USA, Trump décide peut-être de mettre fin à son « entêtement », comprenant d’une part que non seulement le combat est loin d’être terminé, mais aussi que la victoire n’est clairement pas du côté des troupes étrangères[5].

Une seconde explication peut être donnée lorsqu’on observe le déroulement des pourparlers avec les talibans : ces derniers cherchent à tout prix à reconquérir leur pays, et à libérer l’Afghanistan de la présence des troupes militaires étrangères qui s’y trouvent depuis 2003. L’annonce du départ des troupes américaines est peut-être un moyen pour Donald Trump de prouver sa bonne foi envers les talibans et de les mettre en confiance pour les négociations à venir [6].

Quoi qu’il en soit, si le président américain s’avisait de mettre en pratique cette idée, elle aurait des conséquences dramatiques pour l’Afghanistan : livré aux talibans, le gouvernement afghan n’aurait plus que le mince appui de l’armée afghane pour se défendre contre un groupe terroriste extrêmement puissant et dangereux. En revanche, les talibans ont tout à y gagner : d’abord, la satisfaction de voir l’Amérique rendre les armes, ensuite, celle d’obtenir la simple position d’ennemi avec lequel on peut négocier, après avoir occupé la place d’ennemi juré n°1, celui avec lequel aucune négociation n’est possible.

La question de l’après présidence Trump se pose pour les autres puissances étrangères : même si elles soutiennent plus ou moins la politique étrangère américaine, le statut quo actuel permet au moins de contenir les talibans à certains endroits. Sans les américains, première puissance militaire mondiale, quelle puissance accepterait, à son tour, d’aller s’enliser en Afghanistan ? Quand bien même cette éventualité se profilait, les talibans accepteraient-ils vraiment de traiter avec un nouvel interlocuteur ?

Sources :

Chauprade, A. : Géopolitique de l’Afghanistan. In: https://www.dailymotion.com/video/xe46ae

Racine, J.-L. : Où va l’Afghanistan ? In: Politique Etrangère, 4, 2018

Géopolitis: Afghanistan. 38 ans de guerre. In: https://www.youtube.com/watch?v=HydmFG07hMA

Imbert, L. : Les Etats-Unis pourraient retirer jusqu’à 7000 soldats d’Afghanistan. In: https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/21/les-etats-unis-decident-d-un-retrait-important-des-troupes-americaines-d-afghanistan_5400653_3210.html

Site de l’OTAN: L’OTAN et l’Afghanistan. In: https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_8189.htm?selectedLocale=fr#

[1] Chauprade, Aymeric, Géopolitique de l’Afghanistan.

[2] Idem.

[3] Chauprade, Aymeric, Géopolitique de l’Afghanistan

[4] Racine, Jean-Luc, Où va l’Afghanistan ?

[5] Géopolitis, Afghanistan. 38 ans de guerre

[6] Idem

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Jeanne-Marie BIOL

Jeanne-Marie Biol est étudiante en master Carrières Administratives à Sciences Po Bordeaux. Elle s'intéresse particulièrement à l'histoire et à la géopolitique du Moyen-Orient et de la Russie ainsi qu'aux questions de défense. Elle est rédactrice pour les Yeux du Monde depuis novembre 2018.

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