Elections en Bolivie : le spectre Morales s’apprête-il à disparaître ?
A un mois presque jour pour jour d’un nouveau rendez-vous électoral, destiné à choisir un Président, un vice-président, et à renouveler les 166 membres du parlement, la présidente actuelle Jeanine Añez a annoncé en septembre dans un message pré-enregistré qu’elle ne se présenterait pas aux élections présidentielles boliviennes du 18 octobre prochain. La Bolivie se retrouve, une fois encore, plongée dans l’incertitude et le désarroi alors que la crise sanitaire ne cesse de faire des ravages.
Le renoncement de la présidente Añez ..
« Ce qui est en jeu dans cette élection, ce n’est pas rien. En vérité, c’est la démocratie en Bolivie qui est en jeu ». C’est ainsi que Jeanine Añez, présidente autoproclamée de Bolivie depuis le départ d’Evo Morales en novembre dernier, justifia sa décision de ne pas participer à la course électorale bolivienne qui se tiendra finalement le 18 octobre 2020 alors qu’elle avait annoncé sa candidature en janvier. Figure de la droite orientée vers le national-catholicisme, l’ancienne sénatrice du Mouvement Social Démocrate s’était engagée dès sa prise de fonction à reformer le système sécuritaire en octroyant des pouvoirs extraordinaires à l’armée afin de réprimer les manifestations, à revoir la politique étrangère (retrait de l’ALBA, soutien à Juan Guaidó au Venezuela, envoi d’un ambassadeur à Washington pour la première fois depuis 2009) et surtout à rétablir l’idéal démocratique en organisant des élections libres.
Cependant, la présidente non-élue se retrouva rapidement submergée par la solidité du système Morales qui généralisa pendant près de 14 ans à l’échelle nationale un système de corruption presque étatisé, par la difficulté de faire face aux nombreuses manifestations et ceci aggravé par la pandémie de Covid-19 (Jeanine Añez fut contaminée en juillet). L’opinion publique lui a aussi largement reproché son usage à outrance des symboles catholiques ainsi que ses tentatives de poursuites judiciaires envers les cadres du Mouvement pour le socialisme. Tant et si bien qu’Añez se trouva rapidement en perte de vitesse dans les sondages et devant le risque grandissant d’une division des électeurs de droite, elle annonça le 17 septembre sa volonté de se retirer de l’élection.
.. Corrobore le sentiment d’un climat politico-social délétère
Le retrait de la candidature de Jeanine Añez est, en réalité, symptomatique du malaise politique qui ronge ce pays, aujourd’hui le plus pauvre d’Amérique du Sud. En effet, depuis le départ d’Evo Morales le pays traverse une crise postélectorale importante. La situation n’est certes pas nouvelle puisque la Bolivie a connu pas moins de 190 coups d’états depuis son indépendance en 1825. Toutefois, les observateurs internationaux avaient cru à une stabilisation du pays lorsque Morales, un aymara (une ethnie comptant pour 25% de la population bolivienne), devint en 2005 le premier président indigène du continent. L’échiquier politique bolivien est déchiré entre plusieurs tendances radicalement opposées. Un sondage récent donnait Luis Arce en tête (29,2% des intentions de vote) suivi de Carlos Mesa (19%) et de Luis Fernando Camacho (10,4%).
C’est cet écart entre le candidat « Morales » (Luis Arce, ancien ministre de l’économie pendant une décennie) et l’ancien président de centre-droit (Carlos Mesa) qui a poussé la présidente Añez à ne pas se présenter. Un refus sans doute motivé par la crainte de voir resurgir le spectre Morales et les scandales qui l’accompagnent comme celui du passage du Dakar en Bolivie qui avait fait polémique sur la scène publique bolivienne. Plusieurs recours pour déclarer la candidature du Mas comme « inconstitutionnelle » ont d’ailleurs été déposés au Tribunal Constitucional de Sucre, des demandes qui furent jusqu’alors rejetées par les juges.
Il appartiendra donc aux électeurs de trancher. Choisir dans l’espoir de résorber le déficit démocratique, de positionner clairement la Bolivie sur le plan idéologique et surtout de mettre fin aux manifestations incessantes de part et d’autre du pays.
Sources :