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Taïwan face à la tenaille sino-américaine (2/2)

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Actuellement, Taïwan détient le leadership en matière de fabrication de semi-conducteurs. Cela en fait, à l’ère de la révolution numérique, un territoire d’une importance hautement stratégique politiquement et économiquement. Ce qui explique la volonté chinoise de plus en plus affirmée à vouloir reprendre intégralement le contrôle du territoire taïwanais. L’invasion de Taïwan par la Chine semble donc se concrétiser. Face à cela, les Etats-Unis sont déterminés à renforcer leurs efforts pour garantir la protection de l’autonomie du gouvernement de Taipei. Toutefois, Pékin et Washington représentent, chacun à leur manière, objectivement, une menace pour l’autonomie taïwanaise piégée dans les  pinces de la tenaille sino-américaine.

Taïwan : entre les flamme du dragon et les serres du Bald Eagle 

Taïwan, les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud sont les quatre Etats en capacité de produire des semi-conducteurs.

En termes de production de semi-conducteurs, Taïwan occupe une position quasi monopolistique. Ce qui constitue, pour elle, une arme de protection face, à une potentielle invasion chinoise. En effet, face à un tel événement, Taïwan n’aurait qu’à appliquer la politique de la terre brûlée. En d’autres termes, suspendre sa production de semi-conducteurs, en sabotant ses propres usines.  Ce qui paralyserait l’économie chinoise, ainsi qu’une immense partie du reste de l’économie mondiale. Car toutes deux sont hautement dépendantes des fameuses puces électroniques fabriquées par la firme taïwanaise, TSMC.

A l’heure actuelle, les entreprises américaines, telles que Apple ou Qualcomm, se trouvent dans une situation de grande dépendance vis-à-vis de TSMC, en termes d’approvisionnement de semi-conducteurs. Washington ne cache d’ailleurs pas son souhait de voir un jour cette compagnie déménager sur le sol américain. A ce propos, en mars 2022, les Etats-Unis ont lancé le Chip4. Cela, officiellement à dessein de se coordonner politiquement, sur le plan sécuritaire ainsi qu’en termes de développement des compétences, entre pays producteurs de semi-conducteurs. Ce qui inclue les Etats-Unis, la Corée du Sud, Taïwan et le Japon. Cela s’est conclu par la promulgation du CHIPS and Science Act, en août 2022. Cette loi fédérale américaine prévoit de subventionner à hauteur de 52 milliards de dollars, tout fabricant qui investirait dans des usines de production de semi-conducteurs, aux Etats-Unis. Un centre de fabrication a déjà été installé par TSMC dans la ville de Phoenix. Il sera opérationnel à partir de 2024.

Taïwan: un monopole économique inséparable de son autonomie politique

Taiwan semble donc être en passe de sacrifier sa position de leader dans la fabrication de semi-conducteurs. Cela, non sans avoir, au passage, forcé TSMC à se séparer de son deuxième client le plus important, Huawei. De leur côté, les Etats-Unis font d’une pierre deux coups. Ils empêchent les Chinois d’acquérir des renseignements portant sur la fabrication de technologies de très haute importance systémique, tout en brisant le monopole de Taïwan, leur concurrent économique. Quelles raisons auront, à l’avenir, les Etats-Unis de continuer d’assurer militairement la protection de cet Etat, qui de jure n’en n’est pas un, lorsqu’il n’aura plus l’importance qui est la sienne dans la chaine de production mondiale ?

Quant à la Chine, elle est, sans ambiguïté, l’ennemie déclarée de l’autonomie taïwanaise. Toutefois, en menaçant continuellement cette dernière, le régime de Pékin se fait, in fine, l’allié objectif des USA. En effet, il fournit à Washington le prétexte sécuritaire justifiant une délocalisation partielle de TSMC, sur le territoire américain.

En ces temps incertains, l’Etat et le peuple taïwanais ne devraient compter que sur eux-mêmes.  La position monopolistique qui est celle du fleuron TSMC est, en pratique, leur meilleure arme de défense face à la menace militaire chinoise. Elle est également leur fer de lance le plus redoutable dans la guerre économique mondialisée. A vouloir, cependant, opter pour le sacrifice de cet atout, en échange du maintien son autonomie, Taïwan risque bien de finir par n’avoir ni monopole, ni autonomie en raison d’une guerre commerciale sino-américaine qui directement, une fois de plus, ne la concerne pas. S’extirper des pinces de la tenaille sino-américaine qui pour l’instant l’enserre et à l’avenir risque bien de la broyer, tel est le véritable défi que semble devoir relever l’Etat insulaire taïwanais pour espérer conserver son autonomie, son identité et sa prospérité économique.

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Sources 

  • Lee Hsiao-feng, 2004, Histoire de Taiwan, L’Harmatan
  • Reich, Robert, 1993, L’économie mondialisée, Ed. Dunod
  • https://fr.statista.com/infographie/27908/plus-grandes-fonderies-semi-conducteurs-selon-chiffre-affaires/
  • https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-15/taiwan-is-still-semiconductor-leader-as-chip-exports-rise-again?in_source=embedded-checkout-banner

 

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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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