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Afrique : Les 3e mandats présidentiels, vecteurs de stabilité ou outils autocratiques ?

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Considéré par de nombreux observateurs comme une terre d’avenir, l’Afrique est en proie à de nombreux bouleversements démographiques comme technologiques. La démocratie y est au centre des enjeux socio-économiques. Cependant, de nombreux présidents africains renoncent au renouvellement politique.

L'Union africaine, symbole de la démocrature
L’Union africaine, symbole d’une démocrature croissante

Certains pays africains comme le Sénégal, l’Afrique du Sud ou le Ghana sont considérés comme des exemples de démocratie. D’autres peinent encore à répondre aux besoins démocratiques de leur peuple. Faisant face à de nombreux problèmes exogènes comme endogènes, certains présidents africains ont choisi de se maintenir au pouvoir. Ils arguent la stabilité des institutions, souvent fragiles voire exsangues.

En Afrique, des présidents addictes au pouvoir

En Afrique, nombreux sont les hommes politiques qui souhaitent briguer la magistrature suprême. Mais peu sont les hommes politiques qui, une fois arrivé au pouvoir, s’en délestent. Certains observateurs politiques ou même certains psychologues parlent d’ivresse du pouvoir voire d’addiction.

Le pouvoir serait semblable à un psychotrope où son détenteur en serait accro. Ce qui explique la difficulté pour ce dernier à s’en priver. Cependant, cette addiction peut être utile ou destructrice.

Utile voire très utile en Afrique où le pouvoir d’un dirigeant est aussi large que le Léviathan de Thomas Hobbes. Ce dernier s’attribue la quasi-totalité des fonctions exécutives, législatives voire judiciaires. Sous ce pouvoir autocratique, certaines circonstances économiques ou sécuritaires peuvent légitimer cette « continuité » politique. En effet, son but ultime serait la stabilité institutionnelle.

Modifier la Constitution pour rester au pouvoir

Au Congo-Brazzaville, pays cher à Marien Ngouabi, l’indéboulonnable Denis Sassou Nguesso a modifié en 2015 la Constitution de son pays. Elle l’empêchait de se représenter, alors qu’il occupe le pouvoir depuis 1997. Pour se justifier, il a joué sur les tensions ethniques qui auraient pu être exacerbées après son pouvoir. Cette nouvelle Constituion, adoptée par référendum, renforce une décentralisation déjà opérée il y a quelques années. Denis Sassou Nguesso avait déjà dirigé le pays de 1979 à 1997. Il cumule désormais 37 années à la présidence du Congo-Brazzaville. « DSN » sera en lice pour les prochaines élections présidentielles qui auront lieu cette année.

L’homme fort de Kigali, Paul Kagamé, a emboité le pas à Denis Sassou Nguesso. En novembre 2015, il a fait voter une modification constitutionnelle qui lui a permis de se représenter aux élections présidentielles de 2017. Réélu à plus de 98,8% des voix, il pourrait théoriquement rester au pouvoir jusqu’en 2034. Alors qu’il dirige le pays depuis 2000 (après avoir été vice-président et ministre de la défense du Rwanda entre 1994-2000).

De plus, les présidents Alpha Condé (Guinée) et Alassane Ouattara (Côte-d’Ivoire) ont récemment été réélus pour un troisième mandat présidentiel. Ce, après modification de leur Constitution. La situation sécuritaire au Sahel a joué en leur faveur.

Un non-renouvellement politique

Si pour certains présidents africains, la modification de la Constitution de leurs pays est relativement récente, pour d’autres, elle pourrait être interprétée comme étant quasiment automatique. Dans ce cas de figure, deux hommes se détachent : Paul Biya du Cameroun et Yoweri Museveni de l’Ouganda.

« L’éternel » président camerounais, âgé de 87 ans et au pouvoir depuis 1982, a été réélu avec plus de 71% des voix en 2018. Faisant face à une crise économique accrue et à une insurrection de la minorité anglophone, l’homme fort de Yaoundé a choisi de consolider son pouvoir en vue d’endiguer ces maux qui gangrènent son pays. L’afflux de réfugiés centrafricains compte parmi les causes qui ont poussé le président camerounais à jouer la carte de stabilité politique et institutionnelle.

Quant à Yoweri Museveni, il tient son pays d’une main de fer. Le dirigeant ougandais a pris le pouvoir en 1986 après un coup d’état contre Milton Obote. Qualifié de « bon élève » par la FMI, il se maintient à la tête du pays au fil des années. Réélu en janvier, il a pour objectif d’éradiquer le groupe terroriste ADF-Nalu. Ce dernier perpètre des massacres à grande échelle à l’Ouest de son pays, au niveau de la frontière avec la RDC.

De plus, Faure Gnassingbé Eyadema, président togolais, a remporté les élections présidentielles de 2020, avec plus de 72% des voix. Il effectue actuellement son quatrième mandat.

Quid de l’Occident ? 

La sécurité, la crise économique et la stabilité institutionnelle sont les motifs évoqués par certains présidents africains pour perpétuer leur règne. Ces justifications peuvent s’expliquer par son universalité.

Aux Etats-Unis, Franklin Delano Roosevelt détient encore aujourd’hui le record du nombre de mandats présidentiels. Après avoir effectué trois mandats complets (il est décédé quelques semaines après l’officialisation de son quatrième mandat), FDR s’est également maintenu au pouvoir. La poursuite du New Deal (plan économique et sociale mis en place après le krach boursier de 1929) et l’entrée, en 1941, des Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale, ont justifié cette pérennisation.

Tous ces facteurs convergent avec la nécessité, pour tout président, de miser sur la stabilité politique afin d’éviter toute instabilité institutionnelle mais la stabilité rime-t-elle avec l’autocratie ?

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