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État des lieux de l’influence algérienne au Sahel

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La succession de coups d’État au Sahel, plus particulièrement au Mali et dernièrement au Niger, a réouvert le débat quant au rôle et à l’influence de l’Algérie dans la région. De par ses milliers de kilomètres de frontières partagées avec le Mali et le Niger, ainsi que les liens quasi-familiaux existants entre ses populations touaregs et celles se trouvant au nord de ses deux voisins, l’Algérie occupe naturellement une place majeure sur la scène sahélienne. 

Le recours à la milice Wagner par les nouvelles autorités maliennes a plongé le Mali dans un regain de violence au détriment du processus politique instigué par les accords d'Alger.
Le ministre Abdoulaye Maiga a annoncé le 25 janvier 2024, le retrait du Mali des accords d’Alger, fragilisant ainsi l’influence de l’Algérie.

Une prédominance sécuritaire

Suite à la neutralisation des groupes extrémistes actifs en Algérie dans les années 1990, un certain nombre d’éléments terroristes se régénèrent dans la zone saharo-sahélienne. Le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), qui devient en 2007 Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), nait d’une scission du Groupe Islamique Armé (GIA) et commence à se faire remarquer au Tchad, puis au Mali. Après avoir lutté contre la menace terroriste sur son sol, l’Algérie doit redoubler de vigilance vis-à-vis de ses frontières sud.

Dans ce contexte Alger crée en 2010, le Comité d’Etat-major Opérationnel Conjoint (CEMOC) composé de l’Algérie, du Niger, du Mali et de la Mauritanie, et l’Unité de Fusion et de Liaison des services spéciaux (UFL) composé des mêmes pays plus la Libye, le Burkina Faso, le Tchad et le Nigeria. L’objectif étant de coordonner les positions des armées de la région vis-à-vis du risque sécuritaire. Ces organismes n’ont jamais obtenu le succès espéré, en raison de la création par la France du G5 Sahel en 2014, qui éclipse les initiatives algériennes.

Pressentant le chaos se profiler, Alger avait en 2011 mis en garde contre l’intervention de l’OTAN en Libye, dont les conséquences ont été dévastatrices pour toute la région. Le passage en Libye d’une stabilité autoritaire au vide institutionnel, a permis la circulation d’armes vers le Sahel, dont une partie vers les groupes sécessionnistes de l’Azawad et AQMI. Elle a également fait exploser les flux migratoires en direction du Maghreb. L’Algérie a directement été touchée par l’aggravation de la situation, notamment en 2013 lorsque des dissidents d’AQMI parvenaient à prendre en otage 800 personnes sur le site gazier d’In-Amenas. Pour se protéger, l’Algérie maintient déployé dans son Sahara un couteux cordon militaire d’environ 75 000 hommes.

La constitution algérienne interdisant à l’Armée Nationale Populaire (ANP) d’intervenir en dehors de ses frontières, Alger tente une approche dialogique tout en soutenant l’intervention de la France au Mali, en lui ouvrant son espace aérien. Un pacte tacite est passé selon lequel les algériens se chargent de la dimension politique du règlement du conflit et les français de l’aspect militaire. Les accords d’Alger signés en 2015 constituent l’unique base légale de dialogue entre les différentes factions en conflit au Mali. Ils ont cependant souvent été bousculés et sont aujourd’hui dénoncés par Assimi Goita.

Stabiliser le Sahel par le développement

La dégradation sécuritaire coïncide avec une prise de conscience des élites algériennes que le Sahel peut constituer une profondeur stratégique pour mener des projets d’intégration économique. L’ambition affichée est celle de stabiliser la région par le développement. Trois projets « transsahariens » ont vu le jour au cours de la décennie 2010. Premièrement, la route transsaharienne : cette voie routière, reliant Alger à Lagos (Nigeria), en traversant le Niger et le Mali, pourrait à terme devenir une porte d’entrée privilégiée des opérateurs économiques algériens et internationaux, vers l’Afrique subsaharienne.

Le second méga-projet, qui se confronte néanmoins à la rude concurrence d’un projet similaire entre le Maroc et le Nigéria, est celui du gazoduc transsaharien Algérie-Niger-Nigeria. Celui-ci devrait permettre au Nigeria d’exporter son gaz vers l’Europe via le futur gazoduc GALSI reliant l’Algérie à l’Italie, tout en traversant le Niger qui en bénéficierait et toucherait des droits de passage.

Le troisième projet est celui de la dorsale transsaharienne à fibre optique, qui regroupe l’Algérie, le Niger, le Tchad et le Nigéria. Ce projet soutenu par la Banque africaine de développement et l’Union européenne devrait rompre l’isolement numérique des zones rurales sahariennes et sahéliennes, et complètement aboutir à l’horizon 2030.

Une influence menacée à l’ère des coups d’État

Les multiples coups d’État de ces dernières années ont provoqué de vives inquiétudes en Algérie et dans les pays ayant des intérêts au Sahel. En ce sens, la diplomatie algérienne a condamné par voie diplomatique les prises de pouvoir par la force, sans pour autant les sanctionner. Alger ne nourrit aucune inclination à défier les nouvelles autorités et estime que seul le dialogue peut mener à l’apaisement.

Au Mali, l’entrée en scène de Wagner fragilise l’influence algérienne. Le recours à la milice par les nouvelles autorités a plongé le Mali dans un regain de violence au détriment du processus politique instigué par les accords d’Alger. En ce qui concerne le Niger, un communiqué de la diplomatie algérienne a mis en garde contre les intentions de certaines puissances de la CÉDÉAO d’intervenir militairement pour déloger les putschistes. Les algériens ont ainsi engagé des discussions avec nombre de gouvernements de la région pour les dissuader de recourir à la force.

Alger a également proposé ses efforts de médiation au Niger et a présenté en août 2023, une feuille de route fixant une transition de six mois menée par une personnalité civile consensuelle, pour parvenir à une solution durable. Cette démarche médiane s’inscrit dans la continuité de la politique sahélienne de l’Algérie, qui s’est distinguée dès les années 1970 en facilitant la signature, à Alger, de l’Accord-cadre sur le règlement pacifique du différend territorial entre le Tchad et la Libye. La proposition d’Alger n’a cependant rencontré aucune adhésion de la part des parties opposées. Les putschistes souhaitent temporiser et consolider leur emprise sur le pouvoir. Les partisans du président Bazoum refusent eux l’idée d’une telle transition.

L’Algérie a en outre annoncé son intention d’organiser une conférence internationale sur le développement au Sahel. En raison des tensions diplomatiques courantes, la tenue d’une telle conférence demeure incertaine.

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Ishak Benhizia

Ishak BENHIZIA est diplômé du Master Politique comparée à l'Université de Bordeaux. Il a soutenu un mémoire de recherche portant sur les relations entre l'Algérie et le Maroc et décrypte principalement l'actualité stratégique de la région du Maghreb à travers des publications régulières.

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