L’axe Argentine-Russie : un pied de nez aux Etats-Unis
Depuis 2 jours, la présidente argentine Cristina Kirchner est en visite officielle à Moscou pour y signer des accords avec Vladimir Poutine. Pourtant peu traitée dans la presse française, cette visite est l’occasion de renforcer dans le domaine énergétique, une coopération russo-argentine pour le moins surprenante. Il s’agira ici de revenir brièvement sur cette entente entre les 2 pays et de comprendre les avantages respectifs de cet affermissement des liens entre les 2 dirigeants.
Le rapprochement de deux pays totalement différents…
Kirchner n’a pas hésité à vanter à la presse moscovite que l’Argentine et la Russie entretiennent des relations diplomatiques depuis déjà 130 ans. Ces 2 pays pourtant si éloignés culturellement l’un de l’autre, retrouvent depuis peu une proximité d’intérêts géopolitiques dans leurs politiques étrangères respectives. Historiquement, l’Argentine et la Russie n’ont pas eu des liens diplomatiques forts. L’Argentine du XXème siècle a connu une succession de régimes militaires qui rejetaient en bloc le communisme, notamment avec le soutien des Etats-Unis sous la dernière dictature de la Junte militaire (1976-1983). Mais aujourd’hui, table rase est faite du passé. Le rapprochement avait commencé par la première visite officielle russe sous le mandat de Dimitri Medvedev. Aujourd’hui, l’Argentine et la Russie se retrouvent sur la même ligne directrice de leurs politiques étrangères : la contestation des puissances occidentales, plus précisément les Etats-Unis.
Quels sont les intérêts de ce nouvel accord de coopération bilatérale ?
Les intérêts sont multiples mais obéissent principalement à des contraintes de politiques intérieures pour l’Etat argentin. Tout d’abord l’accord prévoit de pallier le déficit d’énergie électrique du pays par la livraison d’une centrale nucléaire par le leader mondial russe, Rosatom. Ensuite, cette visite est dans la continuité du combat de Kirchner contre les 2 fonds vautours américains qui pèsent sur sa dette publique extérieure. Elle n’a de cesse d’accuser directement l’inaction des Etats-Unis pour justifier le sort que subit l’économie argentine avec cette affaire. Il faut aussi prendre en compte les échéances électorales présidentielles de cet automne. Il est toujours utile de ressortir la carte des « ennemis » extérieurs pour galvaniser sa base électorale. C’est dans cette optique aussi que s’inscrit la condamnation russo-argentine de la re-militarisation de l’Atlantique Sud. Ceci est un clin d’œil implicite à l’inoxydable présence britannique sur les îles Malouines.
Pour la Russie, les intérêts sont autres. Premièrement, l’accord avec Rosatom et l’entente signée entre YPF et Gazprom montrent que la Russie entend pénétrer les marchés latino-américains pour diversifier l’approvisionnement des recettes de son économie. Cet affichage avec l’Argentine est en quelque sorte une stratégie de « Cheval de Troie » pour une Russie qui veut y étendre sa sphère d’influence. Elle compte en effet tirer profit de la méfiance traditionnelle des pays latino-américains envers les Etats-Unis. Cette implantation est non seulement économique mais aussi idéologique si l’on en juge l’ouverture de la chaîne Russia Today en Argentine à l’automne dernier. Enfin, cette visite est l’occasion d’envoyer un signal aux chancelleries occidentales : les sanctions à l’égard de la Russie ne l’empêcheront pas de mener la politique qu’elle entend à l’échelle du globe.
Les accords annoncés restent toutefois minimes, la portée de cette visite reste symbolique. Pour Kirchner, ce fut l’occasion de présenter (au peuple argentin) son pays comme un interlocuteur privilégié d’une grande puissance. Pour Poutine, c’est peut-être la première étape d’une extension de l’influence de la Russie dans les pays d’Amérique du Sud. Cependant, le Sommet des Amériques est venu démontrer une fois de plus que Buenos Aires est en perte de vitesse sur la scène sud-américaine. La cause ? Une inlassable posture anti-américaine tandis que tous les chefs d’Etats saluaient le rapprochement avec Cuba. La Russie n’a peut-être pas misé sur le bon cheval…