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Violence en Amérique Latine : origines et réalités

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Depuis de nombreuses années maintenant, la région la plus inégalitaire du monde – l’Amérique latine – est également la plus violente. S’il est vrai que plusieurs pays de la région comptent parmi ceux ayant les taux d’homicide les plus élevés, il convient néanmoins d’apporter plusieurs nuances pour dresser un panorama réaliste de la violence en Amérique latine.

Tandis que les tueries par armes à feu aux États-Unis ou les règlements de compte entre caïds à Marseille accaparent l’attention des médias, donnant l’impression d’être de véritables zones de non-droit, c’est bien l’Amérique latine qui s’avère être la région la plus violente en terme de taux d’homicides. Le drame de l’Amérique latine, c’est qu’il s’agit d’une région sans conflit extérieur (aucun pays n’est en état de guerre) mais qui est minée par les troubles intérieurs. L’association mexicaine Consejo Ciudadano para la Seguridad Públic y Justicia Penal établit chaque année un classement des 50 villes les plus criminogènes au monde. Dans sa dernière liste de 2014, 42 étaient des villes latino-américaines. Un classement qui compte 21 villes brésiliennes et qui est « mené » par la capitale vénézuélienne Caracas avec un taux d’homicide de 120 pour 100.000 habitants. À titre de comparaison, celui de Paris était de 1,8 et celui des États-Unis oscille entre 4 et 6. Concernant les pays, ce sont le Salvador, le Venezuela et le Honduras qui présentent le plus fort taux d’homicides d’après l’Observatoire Vénézuélien de la Violence. D’autres organisations comme l’Office des Nations-Unis contre la Drogue et le Crime (ONUDC) fournissent le même type de données. Chaque année ce sont ainsi plus de 20.000 personnes qui périssent de manière violente au Mexique et plus de 50.000 au Brésil. Entre 2011 et 2015, selon le journal Folha do São Paulo, le nombre de décès par « violences intentionnelles » au Brésil aurait dépassé celui de la Syrie, pourtant en guerre (279.000 contre 256.000).

Quelles sont les origines de cette violence ? Tout d’abord, la majorité des crimes sont liées à des bandes organisées dans le narcotrafic et le vol qui s’affrontent dans des guerres territoriales le voisinage subit les conséquences. 80% de la cocaïne arrivant aux États-Unis transite par l’Amérique centrale, et les immenses revenus générés par ce marché illégal expliquent la compétition acharnée entre les trafiquants, causant la plupart des décès dans la région. Selon l’ONU, ils sont près de 70.000, répartis entre 900 différentes bandes. De plus, certaines guerillas sont toujours actives  comme en Colombie, au Pérou ou au Paraguay. Dans de nombreux cas, il s’agit d’une guerre qui ne porte pas son nom, dans la mesure où elle oppose dans des pays en voie de développement des États limités, parfois défaillants, à des organisations (cartels, guerillas, maras) qui prospèrent dans des zones particulièrement pauvres. La violence de genre demeure également forte, la campagne #NiUnaMenos à la suite d’un fémicide en Argentine ayant cependant permis de pointer du doigt un phénomène qui était jusqu’ici peu relaté par les médias locaux.

Néanmoins, il convient d’apporter des nuances à ce tableau quelque peu apocalyptique. Tout d’abord, faire de l’Amérique-latine dans sa globalité la région la plus violente du monde est problématique dans la mesure où la violence se concentre dans certains « pôles » comme l’Amérique Centrale ou les grandes banlieues côtières brésiliennes : une « diagonale de la violence » semble se dessiner de Mexico à Rio de Janeiro. Les pays du Cône Sud – comme l’Argentine et le Chili – ne connaissent pas de telles niveaux de violence. De plus, les guerillas sur le continent sud-américain sont de plus en plus résiduelles en terme de nombre de combattant : les négociations de paix en Colombie avec les FARC proviennent avant tout de la diminution de leur capacité d’action après plusieurs années de guerre menée par le gouvernement. Il est également à noter que les villes de pays en guerre comme la Syrie ou le Yémen ne sont pas forcément comptabilisées dans les statistiques et la fiabilité de ces dernières peut varier d’un pays à l’autre, de nombreux pays d’Afrique n’étant pas intégrés faute de données. Enfin, il faut rappeler que la majorité des décès violents en Amérique latine sont liés au narcotrafic, que ce soit par les rivalités de bandes ou la lutte menée par les autorités.

La résorption de la violence en passera donc par deux voies : la lutte contre le trafic de drogue et la diminution des inégalités sociales, deux problématiques qui se sont trouvées amplifiées par la crise économique traversée par le continent. Sous-estimer l’ampleur de la violence en Amérique latine serait faire preuve d’aveuglement, cependant il est nécessaire de l’analyser en tenant compte des spécificités de cette région du monde.

Pour aller plus loin :

http://www.folha.uol.com.br/

http://www.seguridadjusticiaypaz.org.mx/

https://www.unodc.org/unodc/fr/

 

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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