La défense européenne : la tentation du fédéralisme
Née pendant la Guerre froide, l’Alliance atlantique vient de la constatation américaine que les Européens ne peuvent assurer leur défense contre l’armée soviétique. Par ce traité, les États-Unis et l’Europe de l’Ouest s’assurent donc d’une défense mutuelle en cas d’agression. Bien que basée en Europe, cette alliance est sous la direction américaine. En effet, les États-Unis sont de loin l’armée la plus puissante de l’OTAN et étaient même pendant un temps les seuls à être dotés de l’arme nucléaire, décrite comme étant la seule capable de tenir en respect les armées soviétiques.
Malgré la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN sous la présidence de Nicolas Sarkozy, des tensions sont revenues au sein de l’alliance. En effet, Donald Trump, alors candidat à l’élection présidentielle avait déclaré plusieurs fois que l’OTAN était une alliance « obsolète« . Les Américains, face à leur propre dette, martèlent que l’Europe doit contribuer davantage. Enfin, l’attitude de M. Trump à la réunion de Bruxelles a été révélatrice du fait que l’Europe n’est plus une priorité pour les États-Unis. Le Président Obama lui même n’avait été que peu présent en Europe durant ses deux mandats.
Force est de constater que M. Trump s’intéresse peu à l’Europe. Il n’a guère cherché à ménager ses partenaires européens, n’hésitant pas à bousculer le Premier ministre monténégrin pour être à l’avant de la photo de famille. A sa décharge, il applique l’un de ses slogans de campagne « America First« , en tenant un discours très tranché, ne réaffirmant pas la volonté d’appliquer le fameux article 5 qui assure les puissances signataires d’un secours en cas d’attaque. Il a toutefois fini par le faire, plus tard.
En outre, la chancelière allemande Angela Merkel a tout à fait acté la distanciation américaine. Que ce soit lors d’une rencontre glaciale à la Maison Blanche où M. Trump a refusé de lui serrer la main ou lors d’une déclaration à Bruxelles, affirmant que l’époque d’entraide mutuelle était révolue.
Quelles conclusions en tirer ?
Comme de nombreux commentateurs l’ont écrit, c’est une opportunité pour la France. En effet s’il y a un défaut américain et un retrait britannique de l’Union, le partenariat franco-allemand doit prendre le relais afin d’offrir une protection à l’Europe de l’Est face aux provocations russes. Toutefois, vu la faiblesse de l’armée allemande et le manque de moyen de l’armée française, il serait inenvisageable de se passer entièrement du soutien britannique en matière de coopération militaire, surtout dans le domaine nucléaire.
Il faut donc s’organiser au niveau européen. Malgré la présence américaine, et ce même à l’époque du Président Obama, la défense européenne est inefficace. Si Vladimir Poutine décide d’annexer une autre région européenne, ses blindés auraient vraisemblablement le temps d’arriver à Berlin avant de rencontrer la moindre résistance. La mise en place d’une force de défense européenne est nécessaire, avec des moyens matériels, industriels et humains conséquents. Avec la victoire d’Emmanuel Macron en France, la possibilité d’une victoire du fédéraliste Martin Schultz aux élections allemandes (ou du moins d’un bon score), un vent nouveau souffle sur l’Europe. Après l’hiver européen du Brexit et les bons scores de l’extrême-droite, vient le renouveau printanier du fédéralisme. En effet, si les États parviennent à mettre en place un système de défense européen, sous autorité de l’Union européenne, nous ne serions qu’à un pas d’une possible mise en place d’une force d’intervention d’urgence. Si l’UE dispose de tels moyens, elle aura des décisions à prendre en termes d’actions extérieures qui viendront façonner les premiers pas d’une véritable politique extérieure visible et indépendante. C’est ce dernier pouvoir régalien qui manque pour parfaire la construction européenne.
Les pays membres de l’UE ont tout à gagner d’une défense fédérale. Pour la France, principale armée de l’Union, cela serait un élément clé pour son influence internationale, qui ferait porter sa voix avec force jusqu’en Ukraine. Pour les autres États, c’est la garantie d’une défense plus efficace, avec une véritable présence aux frontières de l’Europe. Pour les budgets européens, il s’agira d’économies d’échelles substantielles. Pour faire simple, l’Union n’a pas besoin de 27 programmes d’hélicoptères, mais d’un seul. A terme, pour les industries, cela aboutirait à la mise en commun des efforts en termes de recherche, de développement, mais aussi de production. L’Europe ainsi ne dépendrait plus des États-Unis pour certains équipements déterminants, comme les drones, domaine où elle a pris un retard phénoménal. En somme, ce qui est en jeu, c’est la conquête de l’indépendance stratégique de l’Union européenne.