Les BATX, dragons numériques chinois
Lors de la « journée chinoise des célibataires », le 11 novembre dernier, Alibaba a réalisé un chiffre d’affaire record de 18 milliards de dollars. Le principal concurrent d’Amazon affiche ainsi sa force sur le marché du e-commerce. En réalité, l’ensemble des GAFA, géants américains de l’économie numérique, a des raisons de redouter la montée en puissance de son équivalent chinois : les BATX.
Panorama des rivalités :
En effet, l’acronyme BATX (Baidu Alibaba Tencent Xiaomi) souligne littéralement l’émergence des champions chinois d’Internet, qui peuvent aujourd’hui mettre à mal la prédominance du GAFA (Google Amazon Facebook Apple). Il décrit quatre rivalités commerciales symboliques. Tout d’abord, Baidu est le premier moteur de recherche utilisé en Chine, où Google est quasiment absent. Le groupe concurrence également la firme américaine dans la diversification qu’elle a entrepris, puisque Baidu investit dans la recherche sur l’intelligence artificielle et la voiture autonome. D’autre part, la plateforme e-commerce Alibaba compte aujourd’hui plus d’utilisateurs qu’Amazon. Le groupe chinois détient plusieurs services liés à l’achat en ligne, tel qu’un moyen de paiement Alipay ou un cloud Alicloud. Ainsi, son introduction retentissante en bourse en 2014 l’avait placé au dessus de son rival américain concernant la capitalisation. En outre, Tencent est le géant chinois du e-service et de la publicité sur Internet. Il propose notamment des jeux, un réseau social et une messagerie WeChat dans un pays d’où Facebook est banni depuis 2009. Le groupe est actuellement parmi les dix plus grosses capitalisations boursières au monde. Enfin, Xiaomi souhaite s’ériger en tant qu’« Apple asiatique ». Fondée en 2010 par Lei Jun, la 2e start-up la plus valorisée après Uber fabrique des smartphones, des télévisons et des objets connectés, à des prix plus abordables.
Les atouts des BATX dans cette lutte symbolique :
Ces quatre duels dépassent le cadre purement commercial. Ils symbolisent tous la volonté chinoise de prouver la réussite de son modèle. A cet égard, une victoire technologique contre les GAFA, figure de proue de l’avance américaine dans ce domaine, lui permettrait de ne plus être considérée comme un émergent toujours en retard. Ainsi, Pékin soutient fortement ses pépites numériques en leur réservant le marché national. Par exemple, Facebook est banni de l’Empire du milieu depuis 2009, quand Google est contraint de censurer certaines recherche. Les BATX dominent donc de tout leur poids le marché national, où ils peuvent grandir et se renforcer. Les utilisateurs du web en Chine sont en effet très nombreux (500 millions environ), souvent jeunes et de plus en plus tournés vers l’e-economy. Toutefois, les perspectives de croissance pour les BATX dans leurs terres d’origines demeurent immenses, dans la mesure où seuls 53% des chinois ont aujourd’hui accès à Internet. Pour autant, des perspectives les attendent également à l’étranger. Puisque le web connecte les territoires et les hommes à l’échelle planétaire, il offre l’opportunité de capitaliser sur la diaspora chinoise pour s’internationaliser. De fait, Baidu réalise 20% des recherches dans le monde. En outre, l’Asie du Sud-Est, lieu où la diaspora est présente en masse, est par conséquent la première étape dans l’ouverture à l’étranger de Xiaomi, qui s’est ensuite tournée vers le Brésil.
La compétition des BATX et des GAFA reflète donc l’ambition chinoise de surpasser les Etats-Unis. L’Union Européenne reste cependant la grande absente de cet affrontement numérique au sommet, car elle n’a pas favorisé l’émergence de véritable champion dans le domaine. Ceci constitue sans doute une piste de réflexion pour redonner un sens au projet européen.