Le spatial américain sous l’ère Trump, nouvelle priorité stratégique ou argument politique ?
Le 9 août 2018 Mike Pence, l’actuel vice-président américain, a confirmé la création d’une sixième armée américaine : la Space force (i.e. : armée de l’espace). Véritable Big-Bang médiatique, l’annonce inquiète les rivaux et alliés des États-Unis et intrigue les industriels et les juristes. Pourtant, elle s’inscrit dans la continuité de la politique spatiale menée par le président américain depuis le début de son mandat.
Trump : la volonté affirmée de se tourner vers les étoiles
« Une simple présence dans l’espace ne suffit pas, nous devons dominer l’espace ». Le 18 juin 2018, l’injonction du Président Trump lors du discours sur l’espace à la Maison Blanche avait des airs de conquête spatiale. Et pour cause, il souhaite créer d’ici 2020 une armée de l’espace, la sixième force armée des États-Unis, ce qui vient d’être confirmé par son vice-président. La politique spatiale suivie par le 45ème Président américain depuis 2017 repose sur plusieurs piliers : développer les partenariats publics-privés afin que des grandes entreprises participent au développement et au financement de la flotte spatiale américaine à l’aide d’une dérégulation juridique du secteur ; augmenter le budget alloué à la NASA ; donner une priorité à l’exploration et à la mise en orbite de satellites lunaires par rapport à Mars ; conserver le leadership spatial des États-Unis.
Sur le plan financier, la création de la force spatiale représenterait un budget initial minimal de 8 milliards de dollars, une goutte d’eau dans le budget américain de la défense qui s’élèvera pour 2019 à plus de 716 milliards de dollars. Selon le système américain c’est le Congrès qui se prononcera ou non en faveur de la création de cette armée, ce qui pourrait stopper net ou impulser le projet.
La « Space Force » : effet d’annonce et controverse juridique
Actuellement le spatial est un domaine géré par l’Armée de l’Air américaine. La création d’une force spatiale résulterait donc de l’autonomisation de cette branche de l’armée qui emploie déjà environ 30000 personnes. Autrement dit il ne s’agit pas d’une véritable nouveauté mais plutôt d’une multiplication administrative. Cela permet d’avancer l’argument d’une opération séduction des électeurs et de la mise en valeur de la puissance américaine avant les élections de mi-mandat d’après Xavier Pascot, chercheur à la Fondation pour la Recherche stratégique¹.
D’un point de vue stratégique, l’adoption de cette mesure viendrait confirmer l’indiscutable supériorité américaine en matière spatiale. Il s’agirait également d’un signal fort envoyé aux rivaux chinois et russes, confirmant la volonté américaine d’empêcher ces États de développer des technologies spatiales concurrentes ou pouvant nuire aux États-Unis. En 2007, la Chine a en effet volontairement détruit un de ses satellites, démontrant sa capacité d’action à caractère spatial.
Enfin, la problématique la plus importante est celle du droit international. Depuis 1967, le Traité de l’espace régit l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique et des corps célestes. Signé dans le contexte de la Guerre Froide il a pour but d’interdire la militarisation des planètes et de la Lune, prohibe la mise en orbite d’armes de destruction massive et prône le pacifisme de toutes les activités spatiales. Or, l’envoi de forces armées dans l’espace ainsi que la militarisation de satellites par les États-Unis contreviendrait au Traité.
Face à cette annonce, il faut donc raison garder en attendant le vote du Congrès américain. En cas d’adoption de la mesure, les armées entreront dans une nouvelle dimension et la course mondiale aux étoiles pourrait s’accélérer, rappelant les événements de la Guerre Froide. L’obstacle principal reste cependant le droit international incarné par le Traité de 1967, nul doute que les instances de contrôle feront tout ce qui est en leur pouvoir pour tenter de le faire respecter.