Mauvaise passe pour Pékin ?
Annoncée bruyamment depuis une dizaine d’année comme la future première puissance mondiale, la Chine semble connaître une période difficile aussi bien économiquement que diplomatiquement. L’appareil du parti en est bien conscient et tente déjà depuis quelques années de désamorcer une situation prévisible. Quels sont les signes de cette déstabilisation et comment le parti tente-t-il de résoudre ce problème ?
Dernière manifestation d’une mauvaise période diplomatique pour Pékin : l’élection ce week-end de l’indépendantiste Tsai Ing-wen à la présidence de la République de Chine, ou Taïwan. Cette candidate a mené le parti démocrate progressiste (DPP) à la victoire aussi bien pour la présidentielle que pour les législatives, s’assurant ainsi une majorité absolue pour gouverner sans compromis. Son parti d’opposition accédant pour la première fois à ces pleines responsabilités chasse le Kouomintang (KMT), le parti historique accusé de s’être trop rapproché de Pékin depuis 2008. Il suit ainsi les revendications des taïwanais et des jeunes de la révolution des tournesols de mars 2014. C’est un revers pour la Chine qui tentait par l’intermédiaire du KMT de faire revenir Taïwan dans son giron. La situation est d’autant plus embarrassante qu’elle rappelle celle de la révolution des parapluies à Hong Kong en automne 2014.
Une fois de plus une tentative de mainmise politique sur un territoire que Pékin considère depuis toujours comme étant le sien a bruyamment échoué. Au point que les médias chinois sont en définitive assez silencieux sur ces événements. Ce souci géopolitique suit la déclaration tonitruante de la Corée du Nord annonçant un test de bombe H alors que la Chine est le dernier pays à soutenir ce régime et s’est toujours placée en médiateur mais n’a pas pu empêcher les provocations de Pyongyang qui défie ouvertement son autorité, plus que celle des Etats-Unis. On peut enfin associer à ces événements le fait que le Japon remet de plus en plus en cause son principe de pacifisme et défie parfois ouvertement Pékin au sujet des îles Senkaku avec le renfort des Etats-Unis qui ont redirigé leur attention du Moyen-Orient sur le Pacifique.
A ces tensions externes s’ajoutent des problèmes de croissance découlant de la dépendance de la Chine à ses exportations alors que l’économie mondiale est toujours en panne. Face à ce ralentissement passant de 8% à 6% de croissance annuelle de 2012 à 2016, le peuple s’impatiente et supporte de moins en moins la corruption endémique. Dans l’espoir de calmer ses citoyens, le parti désigne des coupables et intègre les élites économiques à son petit cénacle tout en leur faisant comprendre qui commande. Les patrons de Fosun et de China Telecom ont ainsi été victimes en 2015 de la politique anti-corruption que Xi Jinping conduit depuis son arrivée au pouvoir en 2013.
Ce mouvement interne comme externe étant un mouvement de fond, on peut se demander si Pékin traverse une mauvaise passe ou un rééquilibrage.
L’attitude de la Chine laisse entendre la seconde option. Pékin est plus prudent et sa banque Centrale l’a même annoncé, constatant que ses interventions n’ont fait que semer le trouble sur les marchés dans une situation financière au mieux tendue au pire explosive comme lorsqu’une dévaluation du yuan de 5% mi-août avait secoué les marchés mondiaux. Les mesures de relance sont classiques, à base de réductions fiscales et d’investissement, et reposent sur la consommation interne, nouveau pivot espéré de l’économie chinoise. Quant aux problématiques régionales, Pékin essaie de se faire plus discret en prenant acte du renforcement de la présence américaine et du bloc que forment les autres puissances régionales. Une approche plus diplomatique s’impose.