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L’Organisation de coopération de Shanghaï, facteur de stabilité en Asie centrale ?

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Souvent méconnue et sous-médiatisée l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) est une institution intergouvernementale crée en 2001 et qui regroupe actuellement huit États d’Eurasie. Si l’objectif premier de cette organisation est le développement de relations économiques et politiques sur le continent eurasien, ses deux fondateurs les plus puissants, la Russie et la Chine, en ont fait une plateforme pour intégrer à leur zone d’influence les États d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan). Une région importante pour ses ressources : 10% des réserves naturelles mondiales de pétrole, 20% des réserves d’uranium, 20% des réserves de gaz et troisième producteur mondial d’or. Mais c’est une région qui est fragile au niveau politique avec un risque croissant d’une présence djihadiste. Il est donc essentiel pour Moscou et Pékin de maintenir à flot les régimes autoritaires de ces Etats d’Asie centrale.

L’Organisation de coopération de Shangaï au début de l’année 2016, depuis l’Inde et le Pakistan ont intégré l’OCS et la Turquie est devenue un partenaire.

Selon le diplomate européen Bruno Dupré, entre 2 000 et 4 000 citoyens d’Asie centrale ont suivi Daesh au Moyen-Orient, l’inquiétude quant au retour de ces djihadistes pèsent sur ces États. De plus, on ne peut pas considérer l’Asie centrale comme une région totalement homogène du point de vue ethnique et politique, il existe de nombreuses différences entre ces pays. Des diversités qui existaient lorsque ces États étaient intégrés à l’URSS et des diversités qui sont apparues après la dissolution du bloc soviétique. Si le Kazakhstan sous influence russe et le Xinjiang compris dans le territoire chinois, semblent être les parties les plus stables de la région, la question peut se poser pour d’autres États, notamment le Kirghizistan et le Tadjikistan, dont les capacités militaires sont bien plus incertaines. Symbole de l’instabilité de ces deux pays : la vallée de Ferghana, un lieu qui a permis le développement de la région lorsque la route de la soie y passait, mais qui est devenu aujourd’hui une plaque tournante des trafics en tout genre.

L’Asie centrale, prochaine cible de Daesh ?

Le plus gros facteur de risque pour ces pays d’Asie centrale sont les 3 000 à 6 000 combattants se réclamant de Daesh présents en Afghanistan et donc à la frontière de cette région. Sans oublier, l’instabilité économique, les inégalités sociales croissantes et la présence de régimes autoritaires qui pourraient entraîner un équivalent des printemps arabes dans la région. De tels mouvements pourraient favoriser l’émergence de groupes djihadistes. Mais c’est sans compter sur la Russie et la Chine, qui feront le nécessaire pour conserver leur influence sur la région. Ainsi l’Organisation de Coopération de Shangaï est devenue un moyen de stabiliser cette zone. Elle permet de créer à la fois un espace commun économique et politique, tout en présentant une coopération militaire, sous la forme de l’OTAN. Les pouvoirs en place sont donc soutenus en cas de conflit majeur, que ce soit face à des attaques de groupes terroristes où à des tentatives de mouvements révolutionnaires. Cependant, la réussite du projet de coopération sino-russe ne passera pas par le maintien de dictateurs au pouvoir, mais bien par la capacité à développer l’économie de cette région, qui possède beaucoup d’atouts. C’est pour cette raison que la Chine a massivement financé les infrastructures de la région en faisant échos à son passé et en qualifiant cette zone de « nouvelle route de la soie ».

Si des risques existent, Daesh n’a aujourd’hui pas d’implantation officielle en Asie centrale. Moscou et Pékin feront tout pour éviter un scénario semblable à celui du Moyen-Orient et la situation catastrophique actuelle. Avec l’Organisation de coopération de Shanghaï, les deux pays ont à disposition un formidable outil de contrôle, outil qui a été renforcé avec l’arrivée en 2016 de l’Inde et du Pakistan, deux pays pourtant aux rivalités connues. L’OCS comprend aujourd’hui plus de trois milliards d’habitants soit 43 % de la population mondiale, elle est également vouée à s’étendre avec des États observateurs comme l’Iran et des États partenaires comme la Turquie, pourtant déjà membre de l’OTAN. Une organisation qui monte en puissance et dont l’enjeu majeur sera sa capacité a contrôler les débordements djihadistes et les éventuelles tentatives pour accroître leur présence et leur force de frappe en Asie centrale.

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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